Activités

Pèlerinage interreligieux en Israël-Palestine


A la rencontre des artisans de paix de diverses religions au pays de Jésus

Au moment où la bande de Gaza croulait sous les bombes israéliennes, une dizaine d’adultes chrétiens de Bruxelles et de Wallonie se sont rendus en Palestine/Israël du 5 au 12 novembre 2006 à l’initiative du Mouvement Chrétien pour la Paix.

Le but était non seulement de prier dans les lieux saints du christianisme, du judaïsme et de l’islam, mais aussi d’y rencontrer les personnes et les groupes qui y luttent pour la paix et la justice à partir de leur foi respective.

A Hébron, il y eut la visite au tombeau des patriarches, origine des trois religions abrahamiques, ainsi qu’à la « maison de la non-violence », affrontée à une ville où les deux peuples, palestinien et juif, se barricadent, et où les plus faibles sont humiliés tandis que les plus forts sont marqués par la peur.

Bethléem donna l’occasion de vivre déjà dans l’ambiance d’un Noël tout proche, dans une cité-prison entourée d’un haut mur de béton couronné de guérites menaçantes. Au camp de réfugiés de Deheishé, l’hospitalité musulmane et arabe a été offerte au groupe par une famille nombreuse, dont un fils était toujours en prison pour des raisons non communiquées et un autre avait été torturé lorsqu’il avait 16 ans.
L’abbé Fayçal Hidjazin, curé de la ville voisine de Beit Sahour (champ des bergers) et professeur de théologie morale, a résumé la situation des chrétiens du pays : minoritaires, divisés entre 13 Eglises différentes, souffrants comme arabes palestiniens et touchés par l’émigration. Avec le mur, ce sont les deux peuples qui s’enferment.
Passer ensuite à la coopérative artisanale a permis de voir que travailler avec talent reste possible et profitable. D’autant que, malgré la situation, les pèlerinages ont repris de plus belle ici comme à Jérusalem et à Nazareth.

A Jérusalem, le patriarche latin, Michel Sabbah, également président de Pax Christi International, dans l’audience accordée au groupe, s’est montré très découragé. La paix lui semble de plus en plus éloignée, parce qu’on n’en veut pas. Plus on frappe, plus on tue, plus il y a des réactions violentes. Avec le mur se développe une psychologie carcérale qui établit les gens dans une tension continuelle, notamment au plan familial. Tant que les Etats-Unis (et l’Europe) ne changeront pas leur politique de soutien quasi inconditionnel à Israël, tout ira de mal en pis.
La visite au Mont des Oliviers et le chemin de croix dans la vieille ville ont donné d’associer le calvaire de ce peuple à celui de son Sauveur.
Toujours à Jérusalem, des échanges avec l’association « Rabbins pour la Paix » a permis de voir que certains, même s’ils se déclarent sionistes, s’engagent pour que le message des prophètes bibliques ne reste pas lettre morte. On peut croire que quelque chose de cette inspiration animait certains de ceux qui priaient au pied du Mur des Lamentations, au bas de l’Esplanade des Mosquées.
Là eut lieu une entrevue avec le responsable musulman du comité des sanctuaires (waqf). Pour lui, le pays est transformé en une gigantesque ferme dont les Palestiniens forment le bétail et sont traités comme tels. Certains diront plus tard, pire que des animaux, car eux on ne les humilie pas. L’entretien se termina par une visite au Dôme du Rocher et de la mosquée d’Al Aqsa. Elle nous fut possible grâce à une permission spéciale, accordée très rarement depuis que Sharon s’y était rendu sous protection militaire en septembre 2000, ce qui déclencha la seconde intifada, avec ses nombreuses victimes et destructions.

Plus risqué que Jérusalem était d’entrer à Naplouse. Heureusement les barrages militaires, les fameux « check points », sont restés ouverts et nous ont permis de passer comme une fleur à l’entrée et à la sortie, bien que les soldats se soient d’abord montrés très réticents à nous laisser le passage libre vers les Samaritains retranchés au sommet du mont Garizim. Chaque passage est toujours un coup de poker : les Palestiniens et en particulier les femmes sont souvent soumis à des injures et des brimades, dont plusieurs témoignages ont été donnés, certains particulièrement révoltants. Les Samaritains, de par leur position particulière, tâchent de jouer un rôle de médiateurs entre les deux peuples et les deux religions.
Lors de la promenade en ville, les étudiantes de l’université Al Najar ont servi de gardes du corps aux pèlerins : il fallait éviter que l’un d’eux soit kidnappé par une faction palestinienne, comme ce fut déjà le cas. Le périple se termina au puits de Jacob, lieu de l’entretien entre Jésus et la Samaritaine (Jn 4) et que l’heure tardive empêcha de voir, de même que Balata, le grand camp de réfugiés (20.000 habitants) situé juste en face et le clergé chrétien de Rafidya.

Après avoir fait tout un long détour pour éviter les barrages militaires, ce fut Nazareth et son mystère magistralement évoqué dans l’esprit de Charles de Foucauld par une Clarisse libanaise de 86 ans, Sr Marie-Joséphine : Dieu s’est abaissé et fait petit bébé pour nous élever et nous diviniser, et il continue en venant à nous sous les formes d’une humble nourriture quotidienne, le pain de l’Eucharistie. Un message qui a résonné longtemps dans les cœurs tandis qu’avait lieu le parcours des sanctuaires : basilique de l’Annonciation (« c’est ici que le Verbe s’est fait chair »), puits de Marie…

Dernier jour, Majdal Shams, sur les hauteurs du Golan, tout au nord, à la frontière libano-syrienne, au pied du mont Hermon. La région n’est qu’un grand verger et constitue le château d’eau de tout Israël. Comme il est strictement interdit aux habitants d’utiliser cette eau, ils ont construit de grandes citernes en plein champs pour collecter l’eau de pluie. Sur celle-ci l’Etat d’Israël prétend lever une taxe en tant que propriétaire de la pluie. Jusqu’ici les gens le refusent et aucune rétorsion n’a eu lieu. Les habitants sont des Druzes, une scission de l’Islam auquel plusieurs éléments étrangers se sont ajoutés, comme la foi en la réincarnation.

Puis ce fut la descente dans la plaine, la messe au bord du lac de Tibériade sous un doux soleil d’automne déclinant lentement, la visite de Kapharnaum et de Tabgha, où toute la Galilée était réunie pour célébrer solennellement le centenaire du monastère de la Dormition à Jérusalem, en présence de Mgr Twal, futur successeur de Mgr Sabbah. Un digne point final pour cette semaine fertile en rencontres interpellantes, en expériences fortes, en moments spirituels intenses.

Charleroi, le 16 novembre 2006 Edouard BRION


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