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Les défis des chrétiens en Terre Sainte

Edouard Brion
Publié dans Bulletin PAVÉS n°34 (3/2013)

 

Fin novembre dernier, l’Assemblée Générale de l’ONU accueillait la Palestine en son sein  au titre d’Etat avec statut d’observateur. Une décision politique importante, certes, mais aussi un événement humain qui touche au cœur. C’est ce qui est apparu clairement à l’occasion d’un voyage ayant eu lieu du 1 au 10 décembre dernier et  organisé à partir de Belgique par le Mouvement Chrétien pour la Paix (MCP) et le Centre El Kalima. Ainsi, pour Rami Elkanan, ce fut pour lui son plus beau cadeau d’anniversaire. Or, il est un ancien tankiste israélien de la guerre du Sinaï, dont la fille de 14 ans fut victime d’un attentat palestinien. Mais il fait partie du « Cercle des parents » (www.theParentscircle.org) qui regroupe des familles israéliennes et palestiniennes qui ont choisi d’œuvrer pour la paix et la réconciliation. Et la décision de l’ONU le touche à ce titre. Mais celle-ci a également une importance politique : le monde est dorénavant en présence de deux Etats bien distincts où se situent les communautés chrétiennes, avec chacune des défis spécifiques. Même si c’est encore au stade embryonnaire et malgré quantité d’obstacles, il y a déjà là une réalité avec ses caractéristiques propres, telles qu’on peut les discerner sur place.

Ainsi, dans l’Etat d’Israël, on assiste à l’émergence d’une chrétienté de langue hébraïque de plus en plus nombreuse, suite, entre autres, à l’arrivée massive de travailleurs immigrés. C’est le cas, pour l’Eglise orthodoxe, de Russes, et, pour l’Eglise catholique, de plusieurs autres populations venant de l’Inde ou des Philippines. Sur ce dernier point, un aperçu de la situation a été donné par le Père David Neuhaus sj, vicaire auxiliaire à ces communautés et, ce qui est révélateur,  responsable de la pastorale des migrants. Si leur nombre va toujours croissant, cela ne veut pas dire qu’ils ne subissent pas durement leur condition sociale, en tant qu’immigrés : ne jouissant pas de la citoyenneté, ils sont toujours à la merci de l’arbitraire et d’une expulsion. Mais néanmoins, ils croissent en nombre.

Toujours en Israël, la situation est différente pour l’autre groupe chrétien, de langue arabe cette fois. Jouissant, certes, du droit de vote et de la citoyenneté, il éprouve celle-ci comme de seconde zone. C’est d’ailleurs marqué dans  leur passeport par le chiffre 2. C’est aussi ce que souligne madame Violette Khoury, de Nazareth. Pas moins de 35 lois discriminatoires frappent ces chrétiens et les autres arabes de l’Etat. Si l’on peut parler de citoyenneté, il n’est néanmoins pas question pour eux de nationalité. Celle-ci est réservée aux seuls juifs. Pas étonnant qu’ils profitent de leurs avantages légaux pour élargir leur présence : à Nazareth, ils ont exproprié ou confisqué 60 % des terrains et ils ont édifié sur les hauteurs de la cité un Nazareth Supérieur (Nazareth Illit). D’autre part,  cette dame, pharmacienne de son état, a pu constater au long de ses 70 ans d’existence, combien cette ville est devenue un grand camp de réfugiés, chassés de chez eux au moment de la conquête juive en 1948. Brusquement, de 10 000 habitants, la localité est passée à 35 000 dans les années 1950 et en compte 83 000 aujourd'hui pour 14 km². Sans compter l’aspect démographique, politique et social, cet afflux a fait basculer Nazareth de sa condition de ville a majorité chrétienne à une majorité musulmane. Dans les années 1997-1999, on a assisté, de plus, à une introduction de l’islamisme. Cela est apparu aux yeux du monde lors du conflit autour du projet de l’érection d’une mosquée sur le site prévu pour accueillir la venue du Pape Jean-Paul II pour le jubilé de l’an 2000.

Si madame Khoury a vu sa pharmacie détruite lors des émeutes qui se sont produites alors, elle souligne surtout l’utilisation du conflit par les Israéliens qui y trouvent une justification pour l’impossibilité de dialoguer avec les Palestiniens et donc de conclure un accord avec eux.

Passant maintenant aux chrétiens de Palestine, c-à-d la Cisjordanie et Gaza, on remarque que, eux aussi,  comme en Israël, sont parvenus, hormis les grecs orthodoxes, à reprendre aux missionnaires européens la gestion de leurs Eglises. Pour le reste, malgré la solidarité qui lie ces chrétiens arabes à ceux du nouvel Etat palestinien, les cadres de vie respectifs ne se ressemblent guère. Un des défis principaux des populations palestiniennes vient de l’émigration toujours plus forte. Celle-ci est surtout due au poids de l’occupation israélienne qui leur rend la vie impossible sur place.  

Face à ce défi, refusant de baisser les bras, toutes les Eglises chrétiennes de Palestine, avec le soutien de celles d’Israël, croient possible de remédier à la racine de ce mal, l’occupation, et ce par les moyens non violents. Ce pari courageux a été formulé récemment. Toutes les Églises du lieu ont signé et publié à Bethléem le 11 décembre 2009 un Document  Kairos[1]. Par là, elles lancent au monde un appel à se tenir aux côtés du peuple palestinien confronté depuis 60 ans à l’oppression et fermement décidé à y remédier par des moyens non violents. Ce qui était au départ un document est devenu maintenant un véritable mouvement suite au large écho qu’il a rencontré à l’extérieur. C’est ainsi qu’en décembre dernier, toujours à Bethléem, soixante délégués venant du monde entier se sont rassemblés pour célébrer son troisième anniversaire. Une participante, madame Nora Carmi Arsénian, en a informé les participants du voyage. Elle a comme rôle de maintenir le contact, ce qui l’a amené à rencontrer les groupes existants de par le monde : Norvège, Suède, Canada, Écosse…

Dans notre pays, il se fait que le groupe de travail « Église dans la Société » de l’Église Protestante Unie de Belgique s’est attelé à donner une réponse à ce document. Une consultation est prévue au niveau des districts et des paroisses pour aboutir à l’assemblée synodale au cours de cette année. Du côté catholique, il faudrait faire en sorte que ce mouvement à peine esquissé puisse s’élargir et gagner plus de force. Dans la suite de tout ce que qui a été fait naguère à propos de l’apartheid, n’y a-t-il pas là une occasion à saisir et des contacts à prendre ? La question ne mériterait-elle pas d’être traitée par les divers niveaux de notre Église et par ses diverses organisations ? Des contacts ne devraient-ils pas être pris avec nos frères et sœurs protestants de Belgique ?

Charleroi, le 21 janvier 2013,


 

Edouard Brion (Mouvement Chrétien pour la Paix)

Notes :

[1]  Texte : http://www.kairospalestine.ps/sites/default/Documents/French.pdfou La Documentation catholique, 3 janvier 2010, pp. 33-42.

 



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