La question éthique. Une approche laïque.
Sylvie Schoetens
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues
Pour sa participation à la rencontre annuelle du Réseau Européen Églises et Libertés, qui se tenait à Drongen du 1er au 4 mai 2014, notre réseau belge PAVES devait prendre en charge une journée d'étude. Elle s'est tenue le vendredi 2 mai sur "la question éthique" avec la participation de Sylvie Schoetens, Ignace Berten et Benoit Van Cutsem. Une trentaine de Belges y ont participé avec les délégués européens. Voici le texte de la communication de Sylvie Schoetens.
Tout d’abord, laissez-moi vous remercier pour votre invitation.
Avant toute chose, je tiens à préciser que je parlerai en mon nom propre et non pas en tant que représentante de la laïcité en Belgique tant il est vrai que les laïques tiennent à leur liberté individuelle et de conscience. Par laïcité, j’entends stricte séparation de l’Etat et du religieux.
Concernant les lois sur l’avortement et l’euthanasie, mon propos est simple et il parlera de liberté.
En tant que laïque, je ne dois obéir à aucun dogme ou vérité révélée. Dès lors, j’ai toute liberté du choix de mes actes.
Concernant l’avortement, j’estime qu’il est bon que la loi de dépénalisation existe ; Car ne soyons pas naïfs. Les méthodes abortives ont toujours existé. On en retrouve des traces dans l’Egypte pharaonique. L’avortement existera toujours. Autant, dès lors, qu’il se déroule dans les moins mauvaises conditions possibles. Evitant ainsi hémorragies parfois mortelles et risque de stérilité à de nombreuses femmes. Evitant aussi de privilégier une classe sociale plus aisée qui trouvera toujours une solution pour pratiquer une IVG dans de bonnes conditions.
Le fait que la loi existe n’a pas fait grimper le nombre d’avortements en Belgique comme ses détracteurs le criaient à corps et à cris ou comme certains le craignaient. Les derniers chiffres donnent moins de dix avortements pour mille femmes enceintes en Belgique (juillet 2012) et ce surtout dans la tranche des 20/24 ans.
Certes, cet acte médical ne doit en aucun cas être confondu avec une méthode contraceptive. C’est d’ailleurs le discours que je tiens à mes élèves depuis de nombreuses années dans le cadre de mes cours d’éducation sexuelle et affective. Avorter reste une blessure psychologique pour une femme et n’est jamais agréable à pratiquer pour un médecin. Enfin, le fait que la loi existe depuis 1990 n’oblige aucune femme à se faire avorter. Elle lui laisse la liberté de choix et la libre disposition de son corps Deux combats très importants à mes yeux.. Et comme le dit le texte même de la loi, « Toute femme enceinte, que son état place en situation de détresse, a le droit de demander une interruption volontaire de grossesse ».
C’est cette notion même de détresse qui est essentielle pour moi. Il est de mon devoir d’humaniste de prendre en compte cette situation de détresse.
Comme vous le savez, l’avortement doit se pratiquer avant la fin de la douzième semaine qui suit la conception. Les médecins ne sont pas obligés de pratiquer un avortement mais s’ils s’y refusent, leur code déontologique doit alors les amener à envoyer leur patiente chez un confrère qui pratique l’IVG. C’est me semble-t-il la moindre des honnêtetés à respecter par rapport à la loi et à la détresse de leur patiente.
Les opposants à l’avortement me parleront de non-assistance à personne en danger en invoquant le droit à la vie de ce fœtus qui à 12 semaines pèse 40 grammes et mesure 10cm.
J’ai pour habitude de vivre dans l’ici et maintenant et à mes yeux, c’est à la santé psychologique et aux conditions de vie de la femme qu’il faut avant tout penser.
De plus, l’enseignante que je suis pourrait vous parler longtemps des conséquences d’une grossesse non désirée. Combien d’enfants non souhaités, mal ou pas du tout élevés à qui un jour ou l’autre on l’a révélé ? Combien de blessures d’enfance dont on ne se relève jamais tout à fait ? De ces phrases assassines qui nous montrent que l’on ne nous a pas voulu ?
Eduquer un enfant, c’est l’élever : entendez par là, le porter plus haut .Tous ceux qui sont parents parmi nous savent à quel point, c’est un long chemin, semé d’embûches et de pièges où il nous faudra calme, patience et amour. , beaucoup d’amour. Avoir été aimé dans son enfance, c’est un cadeau précieux qui nous permettra de reprendre des forces lorsque dans notre vie d’adulte, nous connaîtrons douleurs et échecs. C’est un terreau où nous pourrons nous ressourcer dans les coups durs. Mais comment bien démarrer notre vie d’adulte si cet engrais d’amour n’a jamais existé ? Si nous n’avons pas connu l’amour de nos parents, si nous avons été rejetés, pire maltraités, quels adultes deviendrons-nous ? C’est pourquoi ,je ne vous parlerai plus d’IVG mais de grossesse attendue, souhaitée, librement acceptée ; nettement préférable me semble-t-il….
Quant à l’euthanasie, mon propos ira dans le même sens. Il est bon que la loi existe, elle permet d’abréger des souffrances intolérables. Une fin de vie respectueuse de nos limites, de notre seuil de tolérance à la douleur est le dernier choix qui nous est laissé.
Libre à chacun d’entre nous de supporter la souffrance s’il estime que c’est la volonté de Dieu.
Mais c’est librement aussi que le patient, dans un dialogue ouvert et constructif avec ses proches et son généraliste, pourra décider de ses derniers moments. Et ce même s’il n’est pas légalement majeur.
Ces deux lois ne sous-tendent aucune obligation. Elles donnent juste la liberté de choix ; ce qui à mes yeux reste une valeur fondamentale.
Et à propos de choix, le courant laïque qui n’est pas seulement composé d’athées ou d’agnostiques mais surtout d’hommes et de femmes qui ne veulent aucune ingérence entre Etat et religions. Le courant laïque donc, s’étonne souvent que les Eglises interviennent dans des lois votées par les représentants de l’ensemble des citoyens. Remettant en cause le principe même de la démocratie qui est de respecter la volonté du peuple. Puisque "dêmos kratos" signifie le pouvoir du peuple.
Comme je vous l’avais annoncé, j’ai beaucoup parlé de liberté qui « ne consiste à faire que tout ce que permet la longueur de la chaîne » comme disait Cavanna. Puissions-nous conserver des longueurs de chaîne les plus lâches possibles….
Merci pour votre attention.
Sylvie Schoetens