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Noble Europe, ô terre chérie!

Philippe Liesse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°51 (6/2017)

Le soir du 7 mai 2017, Emmanuel Macron traverse la cour du Louvre alors que retentit l’Hymne à la joie qui symbolise l’Union européenne. Ce choix musical donne le ton, ou plutôt reste dans le ton d’une campagne électorale française qui a opposé les pro-européens et les anti-européens.

Pour les uns l’Europe est la grande responsable de tous les maux alors que pour les autres elle est et reste la planche de salut !

L’Europe ? Une énigme ? Une utopie ? Une supercherie ? Une crise perpétuelle ? Un mirage ? Un passage obligé ou un cauchemar à fuir, à « brexiter » ?

Le 25 mars dernier, à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome, le Réseau Européen Églises et Libertés a lancé un appel à une réflexion sur l’Europe qui devrait pousser à un retour aux fondamentaux. Soixante ans ! 1957-2017 ! Quelle Europe voulons-nous ?

L’Union Européenne plonge ses racines dans la Seconde Guerre mondiale. « Plus jamais ça ! » Les Européens ne veulent plus connaître de telles atrocités. C’est la Communauté européenne du charbon et de l’acier qui va progressivement resserrer les liens économiques et politiques de six pays afin de garantir la paix. Ce sont l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Robert Schuman, ministre français des affaires étrangères, va élaborer un plan de coopération. C’est sur la base de ce plan que les six pays concernés vont signer un traité, en 1951, qui assure une gestion commune des industries lourdes, le charbon et l’acier. Ce traité ne permet plus à un pays signataire de fabriquer seul des armes de guerre qui lui permettrait d’attaquer ses voisins.

Mais la Seconde Guerre mondiale a aussi fait place à la Guerre froide. L’entrée des chars soviétiques à Budapest et le succès de Spoutnik 1 dans la course à l’espace renforce les Européens dans l’idée qu’il faut une Europe forte, à tous les points de vue, pour « faire face » et tenir une position indiscutable et incontournable. S’appuyant sur la réussite du traité du charbon et de l’acier, les six pays signataires étendent leur coopération à d’autres secteurs de l’économie. Ils signent le traité de Rome, le 25 mars 1957, qui institue la Communauté économique européenne : la CEE ou « le marché commun ». En fait, les six pays signataires sont « déterminés à établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens, décidés à assurer par une action commune le progrès économique et social de leurs pays en éliminant les barrières qui divisent l’Europe et à poursuivre comme but essentiel l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi de leurs peuples. »

Pour construire et renforcer son union, l’Europe va se doter d’instruments : les traités européens. Ceux-ci sont le fondement de l’Union européenne, et toute action entreprise par l’UE découle de ces traités qui ont été démocratiquement approuvés par les États membres. Ils sont des accords contraignants qui définissent les objectifs poursuivis par l’EU, les règles de fonctionnement des institutions européennes et les procédures à suivre pour prendre les décisions. Ces traités sont susceptibles d’être modifiés, toujours de manière démocratique, pour répondre aux adaptations nécessaires comme par exemple l’adhésion de nouveaux membres. Ils peuvent aussi être modifiés pour élargir la coopération entre les pays de l’UE à de nouveaux domaines, comme par exemple la monnaie unique.

Tous les textes traités, la législation, la jurisprudence et les propositions législatives peuvent être consultés intégralement dans la base de données de la législation européenne[1].

L’Europe a été et est de plus en plus confrontée à des défis qu’elle se doit de surmonter si elle veut « vivre » !

Le Réseau Européen Églises et libertés soulève ces différents défis : la financiarisation des relations économiques et politiques qui mettent les peuples au service de la finance en lieu et place d’une finance au service des peuples, l’importance des migrations qui agglutinent aux frontières de l’UE des femmes et des hommes en perdition à cause de la guerre et de la misère dans leur pays, le terrorisme aveugle qui cherche à utiliser la religion pour imposer sa vision rétrograde du monde, une crise économique qui engendre un chômage de masse et qui détruit les solidarités anciennes, une sécurité financière exacerbée et toujours au détriment des plus faibles, l’accroissement des inégalités dans le monde.

L’Europe doit aussi faire face à d’autres crises, plus lointaines mais non moins importantes, comme celles qui traversent l’Amérique latine et l’Afrique, là où des organisations criminelles utilisent la mondialisation pour s’étendre et prospérer. Si on se tourne vers l’Est, on ne peut que s’alarmer de la création de nouvelles barrières qui conduisent certains pays à moderniser leur arsenal nucléaire et à développer leur armement conventionnel.

Face à ces crises, qu’en est-il des valeurs qui ont généré l’Europe ? La protection des droits de l’homme sans discrimination, la paix à l’intérieur comme prémisse d’une relation nouvelle et plus équitable entre les peuples du Nord et du Sud, la justice économique et sociale, la solidarité, la protection des plus faibles, la participation des citoyens à la préparation des décisions qui les concernent, les structures et espaces de dialogue et concertation ?

Devant toutes ces questions, il faut bien constater que l’Europe est inachevée et qu’elle n’attire plus bon nombre de citoyens. Les forces séparatistes, dont le « Brexit » n’est qu’un premier indice, gagnent du terrain dans différents pays européens.

Plutôt que faire écho aux discours nationalistes et populistes, l’Europe ne doit-elle pas, ne devons-nous pas saisir l’occasion des différentes crises pour chercher à retrouver l’esprit des fondateurs ?

C’est le sens de l’appel du Réseau Européen Églises et Libertés que nous nous devons de relayer dans un  esprit de confiance en l’avenir :

- pour une Europe unie, s’enrichissant de la diversité de ses traditions, de ses langues, de son histoire, des courants de pensée et des religions qui l’ont façonnée, et pratiquant dialogue et échanges pour que tous ses citoyens se reconnaissent ainsi mutuellement ;

- pour une Europe qui ait comme âme le souci du bien-être matériel et spirituel de chaque citoyen, sans aucune discrimination dans le respect de droits de l’Homme, la solidarité, la justice sociale et économique, l’accueil de l'étranger, l'épée qui se transforme en charrue, le désir de paix, d'action conjointe et de relations de fraternité entre toutes les personnes, quelle que soit leur religion ou leur philosophie.

- pour un «new deal» pour l'Europe, pour que de nouvelles institutions européennes s’opposent à la puissance de l'argent et mettent les personnes au centre de leur préoccupation, comme l’a souligné le Pape François ; pour que soient mises en place, de manière coordonnée, les réformes politiques et économiques conduisant à une reprise économique solidaire entre les pays d’Europe, pour les redynamiser équitablement, et réduire en chacun d’eux le chômage, et particulièrement celui des jeunes qui doivent être accueillis dans le monde des adultes.

- pour s’opposer partout, comme dans les communautés chrétiennes et dans les Églises, à la vague destructrice, fondamentaliste et identitaire, qui parcourt l'Europe. Cette vague, qui se réfère, entre autres, à une idée ancienne et antiévangélique de «civilisation chrétienne» est contraire à l’esprit de Jésus car elle contient en elle les germes du racisme, de l'exclusion et de la violence. Partout il faut fortement dire non à ce retour au passé, proche ou lointain, qui devrait être repensé avec des sentiments d'humilité et de repentance.

Agissons ensemble sans délai et avec une grande énergie pour construire ainsi une « autre Europe », et par là même contribuer à transformer le monde en un monde de paix, de justice sociale et économique, un monde de fraternité et de solidarité où chaque personne pourra s’épanouir quelles que soient ses convictions, sa religion ou sa philosophie dans le respect de celles des autres[2].

Si nous répondons à cet appel, nous pourrons chanter avec fierté et émotion : Noble Europe, Ô terre chérie !


Philippe Liesse

Notes :

[1]  http://eur-lex.europa.eu/homepage.html?locale=fr

[2]  Appel du Réseau Européen Églises et Libertés :http://www.en-re.eu/index.php/about-us/history/377-quelle-europe-60-ans-apres-le-traite-de-rome




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