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François d'Assise, signe du futur

José Arregi
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Le 4 octobre c’est le jour de François d’Assise, le bienheureux Poverello. Je vais le fêter. J’aimerais que toi aussi, qui que tu sois, tu te souviennes de lui et tu t’en approches. Cela te fera du bien. Son image nous redonne la foi en ce que nous avons de meilleur en nous tel un fragile trésor, la foi en notre pauvre argile, en l’humanité, en la Terre, en la sainte matière, en ce pouvoir de la bonté pour transformer le monde.

Tout ce qu’il fut et enseigna se résume en un mot : mon frère ou ma sœur, car je suis sûr que le genre (masculin, féminin et toutes ses variantes et gammes, n’en déplaise à nos évêques) n’était pour lui ni exclusif ni excluant. Il appelait toutes les personnes, toutes les créatures ses sœurs. Il les sentait comme ses sœurs et les faisait vivre en tant que telles. Il faut être très humble pour être si fraternel, si humain, et mettre du pardon là où il y a de l’offense, de l’amour là où il y a de la haine, de la vraie joie là où il y a de la tristesse. Il faut être pauvre de soi et croire en soi-même pour y parvenir.

François s’y employa. Tous ses rêves de jeune médiéval aspirant à la grandeur, la richesse et le pouvoir se dissipèrent peu à peu, au fur et à mesure où il contemplait les yeux et le corps dénudé de Jésus, à la fois crucifié et lumineux, dans la pénombre de la chapelle de saint Damien, aux alentours d’Assise. Et quand il regardait les visages et les corps couverts d’ulcères des lépreux, les plus humiliés de la société de cette époque, « au début – écrit-il dans son testament – il m’était très amer de les voir, mais j’eus pitié d’eux, et cette amertume se changea en douceur de l’âme et du corps. » Le regard et le goût se transformèrent peu à peu. Jésus les conduisit aux lépreux et les lépreux le menèrent à Jésus. C’est ainsi qu’il se retrouva lui-même. Et libre de lui-même, il put devenir frère de tous.

Cela arriva il y a 800 ans. À une époque cruciale de changements dans l’histoire de l’Europe, quand la société féodale des seigneurs et des vassaux prenait fin, au moment où villes et bourgs faisaient leur apparition, et les marchands bourgeois commençaient à s’imposer comme la nouvelle classe de seigneurs, c’est alors que François se rangea du côté des plus petits et des soumis. Il rompit avec son père marchand et choisit d’appartenir à la classe des mineurs, de vivre avec eux et comme eux. Il appelait frère même le voleur et l’assassin, tellement il était convaincu que la violence des pauvres est principalement due à la violence institutionnelle qu’ils subissent, et que seule la révolution de la fraternité et de la tendresse pourrait vaincre la violence des uns et des autres. C’est précisément ce dont nous parle la petite fleur dans l’épisode où François dompte « frère loup » qui tuait, simplement, parce que personne ne lui donnait à manger.

À une époque où l’institution ecclésiale – cléricale, dogmatique, autoritaire – était corrompue par les richesses, mêlée à des conflits de pouvoir, pourvue d’une armée propre, obsédée par l’élimination de toutes les hérésies et de tous les hérétiques, obstinée dans ses croisades contre les perfides sarrasins, François rêva d’une Église fraternelle-sororale, au-delà de la vieille division, encore en vigueur de nos jours, entre ecclésiastiques et laïques. Une Église humble, pauvre et humaine, sœur. Une Église qui ne condamne personne et proclame la miséricorde au-dessus de tous les dogmes et les lois.

Il vouait une profonde vénération au clergé, spécialement aux prêtres les plus pauvres et ignorants, pour le pouvoir surnaturel qu’ils avaient reçu de pardonner les péchés et de rendre Jésus présent dans le pain et le vin. C’est ce qu’on lui avait appris et il y croyait. Mais quelque chose le faisait douter. En fait, il ne voulut pas être prêtre, et au fond, cela n’était pas de sa part un geste d’humilité, mais un refus inconscient – ou peut-être conscient ? – de ce modèle d’Église qui perdure. Il ne voulut pas non plus être moine, bien installé dans un monastère, au-dessus des petites gens. Il voulut être « frère mineur » de tous.

De même, il ne voulut, pour la même raison, fonder un nouvel Ordre, mais une fraternité de frères (et de sœurs !) mineur(e)s avec les mineurs de la société, traversant champs et villages, comme Jésus, sans couvents ni propriétés, sans pouvoir sur quiconque, troubadours de la paix. Ce mouvement innovateur fut suivi par des multitudes, et tous admiraient et aimaient le Poverello, mais seule une poignée d’entre eux le suivit réellement. Les autres se constituèrent en un puissant Ordre clérical, ils retournèrent au passé.

Néanmoins, François, l’humble et bon frère mineur, est toujours là, nous montrant la voie du futur.


José Arregi - Espagne)

Notes :

Traduction : Edurne Alegria

Source : http://blogs.periodistadigital.com/jose-arregi.php/2018/10/03/p418396#more418396

https://nsae.fr/2018/10/15/francois-dassise-signe-du-futur/





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