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Le coronavirus réveille l'humain en nous

5 avril 2020

Leonardo Boff
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues


La pandémie de coronavirus nous oblige tous à réfléchir: qu'est-ce qui compte vraiment, la vie ou les biens matériels? L'individualisme du chacun pour soi, tournant le dos aux autres, ou la solidarité de l'un avec l'autre? Pouvons-nous continuer à exploiter, sans autre considération, les biens et les services naturels pour vivre de mieux en mieux, ou pouvons-nous prendre soin de la nature, de la vitalité de la Terre Mère et du "bien vivre", qu'est l'harmonie entre tous et avec la êtres de la nature? À quoi a-t-il servi à des pays partisans de la guerre d'accumuler de plus en plus d'armes de destruction massive, pour maintenant devoir tomber à genoux devant un virus invisible prouvant à quel point tout cet appareil de mort est inefficace? Pouvons-nous continuer notre style de vie consumériste, en accumulant une richesse illimitée dans les mains de quelque-uns, au détriment de millions de pauvres dans la misère? Est-il toujours logique que chaque pays affirme sa souveraineté, s'opposant à celle des autres, alors que nous devrions avoir une gouvernance mondiale pour résoudre un problème mondial? Pourquoi n'avons-nous pas encore découvert la seule Maison Commune, la Terre Mère, et notre devoir d'en prendre soin afin que nous puissions tous nous y intégrer, y compris la nature?  

Ce sont des questions qui ne peuvent être évitées. Personne n'a la réponse. Une chose cependant - attribuée à Einstein - est certaine: « la vision du monde qui a créé la crise ne peut pas être la même que celle qui nous sort de la crise ». Nous devons nécessairement changer. Le pire serait que tout redevienne comme avant, avec la même logique consumériste et spéculative, peut-être avec encore plus de fureur. Là oui, pour n'avoir rien appris, la Terre pourrait nous envoyer un autre virus qui pourrait peut-être mettre fin au projet humain désastreux actuel.  

Mais nous pouvons regarder la guerre provoquée par le coronavirus sur toute la planète sous un autre angle, positif cette fois. Le virus nous fait découvrir ce qu'est notre nature humaine la plus profonde et la plus authentique : elle est ambiguë, bonne et mauvaise. Ici, nous verrons la bonne dimension.  

Tout d'abord, nous sommes des êtres relationnels. Nous sommes, comme je l'ai répété d'innombrables fois, un nœud de relations totales dans toutes les directions. Par conséquent, personne n'est une île. Nous construisons des ponts de tous les côtés.  

Deuxièmement, en conséquence, nous dépendons tous les uns des autres. La compréhension africaine "Ubuntu" l'exprime bien : "Je suis moi à travers vous". Par conséquent, tout individualisme, âme de la culture du capital, est faux et anti-humain. Le coronavirus le vérifie. La santé de l'un dépend de la santé de l'autre. Cette dépendance mutuelle assumée consciemment s'appelle solidarité. À une autre époque, la solidarité nous a fait quitter le monde des anthropoïdes et nous a permis de devenir humains, de vivre ensemble et de nous entraider. Au cours de ces semaines, nous avons vu des gestes touchants de véritable solidarité, non seulement en donnant le superflu, mais en partageant ce que nous avons. 

Troisièmement, nous sommes essentiellement des êtres attentionnés. Sans soins, depuis notre conception et tout au long de la vie, personne ne pourrait survivre. Nous devons prendre soin de tout : de nous-mêmes, sinon nous pouvons tomber malades et mourir; des autres, qui peuvent me sauver ou je peux les sauver; de la nature, sinon elle se retourne contre nous avec des virus dangereux, des sécheresses désastreuses, des inondations dévastatrices, des événements météorologiques extrêmes;  prenons soin de la Terre Mère afin qu'elle continue à nous donner tout ce dont nous avons besoin pour vivre et qu'elle veuille toujours de nous sur son sol, car depuis des siècles nous l'avons agressée sans pitié. Surtout maintenant avec l'attaque du coronavirus, nous devons tous prendre soin de nous, prendre soin des plus vulnérables, nous confiner à la maison, maintenir une distance sociale et prendre soin de l'infrastructure sanitaire sans laquelle nous assisterons à une catastrophe humanitaire aux proportions bibliques. 

Quatrièmement, nous découvrons que nous devons tous être coresponsables, c'est-à-dire des êtres conscients des conséquences bonnes ou mauvaises de nos actions. La vie et la mort sont entre nos mains, la vie humaine, la vie sociale, économique et culturelle. La responsabilité de l'État ou de certains ne suffit pas, elle doit être la responsabilité de tous, car nous sommes tous affectés et nous pouvons tous l'affecter. Nous devons tous accepter le confinement. 

Enfin, nous sommes des êtres dotés de spiritualité. Nous découvrons la force du monde spirituel qui constitue notre moi profond, là où les grands rêves prennent forme, où les questions ultimes sont posées sur le sens de notre vie et où nous sentons qu'il doit y avoir une Énergie aimante et puissante qui imprègne tout, soutient le ciel étoilé et notre propre vie, sur laquelle nous n'avons pas le contrôle total. Nous pouvons nous ouvrir à elle, l'accueillir, comme dans un pari, avoir confiance qu'elle nous tient dans la paume de sa main et que, malgré toutes les contradictions, elle garantit une bonne fin à l'univers tout entier, à notre histoire à la fois sage et folle, et à chacun d'entre nous. En cultivant ce monde spirituel, nous nous sentons plus forts, plus attentionnés, plus aimants, bref, plus humains. 

Sur ces valeurs, il nous est permis de rêver et de construire un autre type de monde, bio-centré, dans lequel l'économie, selon une autre logique, soutient une société intégrée à l'échelle mondiale, davantage renforcée par des alliances affectives que par des pactes juridiques. Ce sera la société du soin et de la sollicitude, de la douceur et de la joie de vivre.

5 avril 2020


Leonardo Boff - Brésil)

Notes :
Source : http://www.servicioskoinonia.org/boff/articulo.php?num=977
Traduction : P. Collet



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