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Le pays du sourire !

Philippe Liesse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°62 (3/2020)


La Thaïlande[1] ! Pas celle des Tour Operators ou autre Club Med, pas celle des plages idylliques vantées par la publicité et qui attirent des touristes en quête de farniente ou d’expériences sexuelles loin de chez eux !

Plus simplement, un coin de Thaïlande dans sa vie courante, trépidante, souriante, accueillante et chaude, au propre comme au figuré. Dépaysement total, dans un rythme journalier marqué par la chaleur[2], dans la nourriture, dans la conception de la vie. Il faut dire que nous sommes dans un pays bouddhiste, où les temples sont aussi nombreux que les aubettes de bus ou de tramways dans nos grandes villes européennes. Le bouddhisme est la religion d’État qui rassemble plus de 90 % de la population thaï, et qui assure au roi une autorité souveraine, guidée par la foi qu’il défend. Le bouddhisme thaï est guidé par une communauté de 200 000 moines qui vivent dans les 30 000 monastères que compte le pays.

Dans le Sud, aux frontières de la Malaisie qui est musulmane, l’Islam prend de l’importance par rapport au bouddhisme. Ainsi, 6 % de la population thaï est de confession islamique. Le christianisme occupe la troisième place avec 0,7 % de croyants tandis que les hindouistes, les confucianistes et les taoïstes sont des minorités qui complètent le tableau religieux.

Face au bouddhisme, on peut se voiler la face, entrer dans les temples et prendre des photos qui resteront sur des cartes mémoires ou dans des albums souvenirs.

On peut aussi se laisser interpeller en acceptant le défi d’une autre culture. C’est dans le district de Sattahip, dans la province de Chonbury[3], que nous avons découvert une superbe exposition qui s’efforce d’expliquer, en images, ce qu’est le bouddhisme[4]. Ce fut vraiment un coup de cœur, des images bien plus parlantes qu’une encyclopédie sur le sujet.

« À quoi le Bouddha s’est donc éveillé ? » Il y a dans le bouddhisme une métaphore qui compare l’humain, dans sa dimension souffrante, à un bateau à la dérive sur un océan de sensualité, océan dont on ne voit pas le bout !

Dans la progression des images apparaissent six bateaux. Le premier bateau nous montre l’homme à la dérive sur les flots, à la dérive parce que guidé par sa seule sensualité : « Si les morceaux d’une marionnette en bois étaient séparés les uns des autres, la marionnette disparaitrait pour ne laisser que des morceaux. Il en est de même pour l’être humain. Si tous les éléments qui nous composent étaient séparés les uns des autres, nous disparaitrions !

Le Bouddha croit que l’humain est capable de trouver un chemin de libération dans cette navigation sans fin de nos désirs pour trouver le rivage et la sortie de cette souffrance. »

La deuxième figure du bateau montre son ancre : « Un bateau accroché à une chaîne ou à une ancre est comme une vie contrainte par le désir sensuel. Comment ce bateau peut-il dériver jusqu’à terre ? »

Le troisième bateau montre sa surcharge : « Un bateau surchargé de trésors et de richesses peut couler. Ce bateau est comme une vie guidée par l’acquisition des biens, l’ambition et l’aspiration à la richesse matérielle. Comment un tel bateau pourrait-il progresser pour arriver à terre ? »

Le quatrième bateau est au milieu du feu : « Un bateau dans les flammes, en train de se consumer, et utilisant des lances et ses rames est comme une vie remplie de colère et d’anxiété. Comment un tel bateau peut-il espérer arriver à terre ? »

Du cinquième bateau, il ne reste pas grand-chose : «Un bateau érodé par l’ignorance jusqu’à ce qu’il ne reste que la coque est comme une vie vécue dans une illusion. Comment une telle coque pourrait-elle arriver à terre ? »

Le sixième bateau est un bateau qui progresse en plein vent, vers la terre : « Le chemin du milieu est le cours de l’harmonie et de l’équilibre. C’est le refus des extrêmes dans l’une ou l’autre direction. Pour entrer dans ce chemin du milieu, il faut suivre le Noble Chemin Octuple[5] pour trouver le vrai bonheur, la tranquillité et la paix. Il se décline de la manière suivante : voir le monde et le comprendre dans la justesse[6], avoir une attitude droite qui dépend d’une pensée droite, avoir une bonne parole, ne pas agir à moitié[7], avoir des moyens de subsistance appropriés[8], ne pas rechigner à l’effort[9], vivre en pleine conscience, vivre en pleine concentration ! »

Une autre rencontre très enrichissante fut celle d’un prêtre catholique et de toute une équipe de chrétiens engagés dans une pastorale de formation à la solidarité entre les paysans qui vivent dans la montagne, au Nord du pays[10].

Dans la chapelle du Centre de formation, le Christ n’est pas représenté en croix, mais assis comme le Bouddha en pleine méditation. Il est évident que, dans cette région du monde, le bouddhisme, riche de sa dimension de justesse, a influencé le christianisme dans sa compréhension du Royaume de Dieu. Le Royaume n’est pas une réalité hors-sol, pas un autre monde autre part, mais un monde autre, à construire ici dans notre humanité. C’est tout le travail de Niphot, pour un monde de solidarité et de fraternité, selon l’enseignement bouddhique : « C’est le cœur qui est au centre, c’est le cœur qui fait l’humain, le reste n’est qu’illusion. »

Mais la Thaïlande n’est pas que le bouddhisme, même si celui-ci imprègne le quotidien. Il y a aussi la fête, les fêtes, toutes les fêtes, car les Thaïlandais n’en ratent pas une. Il y a aussi les senteurs, les épices, les fleurs, et cette résignation à se contenter de ce que l’on a… à côté de ceux qui ont beaucoup. L’écart entre pauvreté et richesse est abyssal, c’est aussi une réalité. Il y a des îlots avec des signes ostentatoires de richesse.

Cependant, les Thaïlandais continuent à sourire et à joindre les mains pour vous saluer, comme si le respect de l’autre était le premier signe de vie !


Philippe Liesse

Notes :

[1]                En janvier, mon épouse et moi-même, nous avons eu l’occasion de passer quelques semaines à Chonbury chez mon frère et ma belle-sœur, qui est thaïlandaise. Chaque année ils fuient l’hiver de nos régions et retournent passer deux mois dans le pays d’origine de ma belle-sœur, là où mon frère a travaillé il y a 40 ans pour le National Social Action Center, membre du APHD (Asian Partnership for Human Development).

[2]                Au retour : Bangkok, 19h30, 32°. Bruxelles, 13h plus tard : 1°.

[3]                La ville où nous avons principalement séjourné, ville côtière à 90 km de Bangkok

[4]              The exhibition on « To What Did the Buddha Awaken »

[5]                Le chemin à huit composantes

[6]                La justesse s’acquiert par la méditation qui permet de mettre les choses à leur (juste) place.

[7]                Right action or Integral action

[8]                Proper livelihood

[9]                Complete or Full Effort

[10]              Dans la région de Chiang Maï, à mi-chemin entre la Birmanie et le Laos




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