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La lettre de H.L.M. (mars 2020)

Pierre Collet
Publié dans HLM n°159 (3/2020)


Dans notre bulletin précédent, après le Document final du Synode sur l’Amazonie qui recommandait l’ordination à la prêtrise des diacres mariés et des femmes au diaconat,  nous avions exprimé une fois de plus nos réticences face à ces demandes dans la mesure où elles s’inscrivaient toujours dans un schéma prêtre - laïc contestable : tant au nom de l’exemple donné par Jésus qu’en lien avec la culture d’aujourd’hui. On ne se plaindra donc pas que, dans son Exhortation apostolique, le pape n’ait pas cru bon d’accorder ces "exceptions"…

Sans surprise, les groupes de prêtres mariés[1] de par le monde expriment généralement leur déception, tout en soulignant avec force la satisfaction que leur procure l’orientation générale du texte quant à la nécessité "d’inculturer" le message de l’évangile. Les Allemands de la VkPF sont les plus élogieux à ce sujet, leur président étant d’ailleurs un ancien capucin anthropologue qui a beaucoup œuvré en ce sens en Amérique Centrale. Les Américains du Nord de l’association Corpus également qui insistent sur l’encouragement à recevoir le Document Final du Synode et l’attention à ne pas provoquer inutilement des tensions entre "conservateurs" et "progressistes".

Particulièrement intéressante est la position des prêtres mariés de Rumos au Brésil : les réactions très négatives de leur président Bolsonaro vis-à-vis du pape François à propos de sa gestion de l’Amazonie – et de tout le reste… – les ont en quelque sorte mobilisés sur ce terrain-là plutôt que sur le plan ecclésiastique, et c’est peut-être une leçon à retenir… On le constate très facilement : les différences d’interprétation sont autant de signes d’appartenance à des cultures ou à des situations particulières.

On devine que la marge de manœuvre du pape reste de toute façon étroite, entre menaces de schisme, conviction personnelle, et volonté de rencontrer les cultures d’aujourd’hui, sans même parler de la pression toute proche de certains cardinaux et de son prédécesseur toujours un peu dans l’ombre. La "réception" sera-t-elle au rendez-vous ? On apprend qu’en Australie, le seul pays où la Conférence Nationale des Prêtres avait fait une demande officielle pour abandonner l’obligation du célibat, la déconvenue est à son comble et ladite Conférence semblerait "ne plus y croire". En Allemagne, d’aucuns interprètent la non-candidature du cardinal Marx à sa réélection à une lassitude allant dans le même sens. Et dans les autres pays ? On y verra sans doute plus clair dans quelques semaines.

Ce qui est impressionnant et réconfortant en tout cas, c’est la constance que le pape François manifeste dans sa volonté de réformer la gestion de l’Église. Comme l’a fort bien montré Andrea Grillo[2], c’est le statut même du magistère qui est en train d’évoluer : le Document final (et même l’Instrumentum Laboris ?) est présenté comme faisant partie de ce magistère au même titre que l’Exhortation papale… Sans parler aussi de l’appel à la synodalité qui est vraiment la marque de François depuis ces 7 années.

Mais en comparant avec la même ouverture manifestée dans Amoris Laetitia, après le synode sur la famille, où les évêques étaient invités à prendre l’initiative, le jésuite chilien Costadoat est pessimiste : « D’après mes informations, très peu de conférences épiscopales dans le monde ont eu le courage de le faire. Les évêques du Brésil ordonneront-ils des viri probati ? Le feront-ils en alliance avec les Allemands à la recherche de changements ministériels semblables ? »[3] Un peu de courage, messieurs les évêques !

Ajoutons pourtant que ce texte nous a fort déçus sur un point qu’Ignace Berten exprime bien ci-dessus (p. 33-34) : « Aucune ouverture n’est faite pour reconnaître et dénoncer le sacerdoce ministériel comme la racine absolue du cléricalisme contre lequel François a déclaré en août 2018 une guerre sans merci. »[4] Il nous semble que c’est là que réside l’incohérence principale du pape François : en sacralisant le prêtre autant qu’il le fait – le célibat faisant apparemment partie de cette sacralisation et les femmes en étant exclues par principe – aucune "décléricalisation" n’est possible.


Pierre Collet (Hors-les-murs)

Notes :

[1]
                  On trouvera leurs prises de position sur les sites des diverses associations :

                www.vkpf.de/news/263-amazonassynode  –  www.padrescasados.org/ – http://corpus-blog.blogspot.com/2020/02/why-pope-has-not-ruled-on-married_23.html#more   –  http://moceop.net/  –  www.padrescasados.org/  Nous avons publié plus haut le communiqué du réseau Redes Cristianas (p. 35-36)

[2]                Querida Amazonia est un texte ouvert. Entretien avec Andrea Grillo, www.paves-reseau.be/revue.php?id=1699

[3]                Jorge Costadoat, L’Amazonie manque-t-elle de prêtres ? www.paves-reseau.be/revue.php?id=1698  et Jabier Pikaza, Des prêtres au sens catholique traditionnel, il y en a trop,  www.paves-reseau.be/revue.php?id=1697

[4]                Jean-Luc Lecat, Querida Amazonia… Réflexion sur le cléricalisme,https://baptises.fr/content/querida-amazonia-reflexion-clericalisme




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