Soumission et abandon : des mots qui ont leur histoire...
Courrier de lecteurs
Alice Gombault
Publié dans Bulletin PAVÉS n°61 (12/2019)
L’article d’Alice Gombault, "Pouvoir et soumission. Pour en finir avec le cléricalisme", publié dans le bulletin de septembre a suscité plusieurs réactions : des personnes qui vivent de la spiritualité de Charles de Foucauld ont été interpellées par l’assimilation au contexte des "abus de pouvoir" mis en évidence par l’auteure. Extraits, suivis de la réponse d’Alice. (P.C.)
Une réflexion à propos de l’article d'Alice Gombault dans le dernier bulletin […] et de la citation de "Mon père, je m’abandonne à toi". Avant d’être une citation d’un chant de l’Emmanuel, imprégné de la spiritualité des grands saints tels que Ignace et Thérèse, il est d’abord une transcription "malhonnête" de la prière connue de Charles de Foucauld qu’il faut lire en tenant compte du contexte et du moment où elle fut écrite. […] (Casimir Kurzawski)
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Votre article m’a beaucoup éclairé. Je vous en remercie. Je vous suis reconnaissant de nous avoir fait connaître l’extrait de "la lettre du Pape François au peuple de Dieu" ; document trop peu connu, par ailleurs. Vos analyses sur le pouvoir sacré et sur la culture de la soumission, je les fais miennes, tout à fait.
Cependant je suis heurté par l’usage que vous faites de la "prière d'abandon" de Charles de Foucauld, pour étayer vos propos. Ce texte écrit dans une méditation sur la mort du Christ en Croix, est constitué de paroles que l’auteur s’autorise à mettre sur les lèvres de Jésus. C’est donc la prière d’un mourant s’en remettant, dans une confiance totale, à l’Abba.
Il est vrai que date sa rédaction et que le langage religieux a évolué. Je n’en défendrai donc point la forme, mais le fond. Toujours est-il que cette méditation est reprise, journellement, par des milliers d’hommes et de femmes, laïcs, religieux et prêtres dans le monde entier, qui à la suite de Charles de Foucauld en ont fait leur spiritualité. Il est donc chargé de leurs engagements personnels et communautaires. Ces engagements ne sont pas de l’ordre de la soumission, mais bien de la solidarité active avec cette humanité dont ils partagent les luttes et les espérances.
À ce titre, cette Prière d’Abandon mérite notre plus grand respect. Laisser entendre que ceux qui en vivent pourraient confondre « le Père qui est aux Cieux et le prêtre-prédateur, qu'on appelle aussi père... », c’est jeter la suspicion, non seulement sur les victimes, mais sur nous tous !
Cela n’est pas votre intention, je l’ai compris et j’espère que ma lettre ne sera pas interprétée comme une expression de ce cléricalisme que je déteste, autant que vous le dénoncez.
Sincèrement vôtre.
(Jean-Pierre Dupont, membre d’une communauté de base et des Fraternités Sacerdotales Jésus-Caritas).
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Chers amis lecteurs, Merci de vos remarques, certes j’aurais dû citer Charles de Foucaud comme auteur de ces paroles d’abandon, je regrette profondément d’avoir pu choquer ceux et celles que cette spiritualité fait vivre. Mais hélas, cela ne change rien à l’affaire. Ce qui m’a fait considérer l’abandon comme une forme de soumission, ce sont les témoignages poignants des victimes. Ce sont bien ces mêmes mots qui sont employés par les prédateurs et par les victimes qui les acceptent et qui trouvent normaux les comportements qui en découlent. C’est une perversion de cette spiritualité, un blasphème. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces paroles de cantiques sont ambiguës. Elles sont issues, me dit l’un d’entre vous, d’une méditation sur la mort du Christ, mais elles ne se justifient que lorsque "tout est accompli". C’est le sens de la dernière phrase de mon texte. Lorsque tout est accompli, on ne peut que se confier entre les mains d’un autre. Mais pas avant. Avant, je me coule dans la puissance de vie, de liberté, de responsabilité qui émane du Christ. (Alice Gombault)
Alice Gombault (R?seaux des Parvis - France)
