Par nous, avec nous et en nous, de Paul Löwenthal
Joseph Pirson
Publié dans Bulletin PAVÉS n°65 (12/2020)
Plusieurs d’entre nous connaissent Paul Löwenthal. Professeur émérite de sciences économiques à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, Paul a été notamment président du Conseil interdiocésain des Laïcs (CIL) de 2001 à 2007. Il a toujours eu à cœur d’exprimer sa rigueur de chercheur et d’enseignant et son questionnement d’homme enraciné dans une foi qui est toujours de l’ordre de la démarche critique assumée, jamais faite de rabâchage ni d’évitement des questions difficiles.
Le titre de son dernier ouvrage[1] n’a rien du pastiche du « par lui, avec lui et en lui » de nos liturgies chrétiennes. Il n’est pas théologien de métier, mais il s’explique d’entrée de jeu, à ce propos, dans une introduction qui donne l’envie de poursuivre page après page. Il s’agit bien d’un chemin que la lectrice ou le lecteur pourra suivre par étapes, en poursuivant son propre questionnement : « je ne suis pas théologien mais je me veux un croyant adulte. Je lis, je discute et je réfléchis. Librement, forcément. Après Quand douter libère (2015), je me propose de parcourir le cheminement de la foi chrétienne et de sa vision catholique. Je propose des lectures nouvelles qui induisent des accents différents et conduisent à valoriser l’humain à tous les étages : théologie, communauté et pastorale. Jusqu’à leur reconnaître une vocation d’autorité. » (p. 4)
Le ton est ainsi donné et au fil des pages, Paul nous présente un itinéraire qui n’a rien du catéchisme ni de propos désinvoltes : il s’agit bien de propos d’une évolution personnelle qui a bien saveur d’incarnation (par nous, avec nous en nous), le goût d’un parcours non bétonné de certitudes et enraciné dans une réflexion exigeante à vivre et agréable à découvrir à travers trois étapes-clés. Je vais essayer avec son aide de brosser certains traits en proposant certains extraits, tels des éclats de lumière
La première étape est construite sur ce que nous nommons « la Révélation », c’est-à-dire « l’appropriation de la Parole par les fidèles à qui elle est adressée ». L’auteur met en évidence la relation qui nous relie à celui que nous appelons Dieu : cette relation que nous nommons Alliance (testamentum en latin). Par rapport à la signification plénière de l’éternité, face à l’opposition classique entre le provisoire et le définitif, si nous reconnaissons le christianisme, non comme religion du Livre, mais bien d’une Histoire, « ne pourrions-nous pas plus adéquatement traduire l’éternité par un présent permanent, toujours mystérieux et inconcevable, mais qui nous renvoie à notre terrain réel ? » (p. 28)
Dans une deuxième étape, Paul Löwenthal s’interroge et nous interroge sur « Vivre sa foi ». L’interrogation part ici du lien posé entre amour du prochain et amour de Dieu (Mt 26,30-40) : « le prochain que je vois me conduit au Dieu que je ne vois pas. Cette voie évangélique propose un humanisme ». Cette démarche n’est pas établie sans déplacement, sans décentrement des habitudes ou du prêt à penser : « Pas de foi sans le doute, qui pose les questions auxquelles la foi apporte une réponse. La vie de foi est donc vie, et non doctrine immuable. Et la foi de l’Église rassemble nos réponses, toujours provisoires et disparates : liberté oblige. » (p. 38)
La troisième et dernière étape n’est pas la plus simple. Elle est sans doute celle qui a été la plus, longuement mise en exergue depuis quelques mois, à travers plusieurs articles de cette revue : « Tous prêtres, prophètes et rois », Paul Löwenthal propose différentes réflexions sur le fonctionnement de l’Église chrétienne et plus particulièrement de l’Eglise catholique. Epinglons ce propos qui rejoint les interrogations que plusieurs des membres du comité de rédaction ont posées sur les rites et la signification des symboles liturgiques : « On en dira autant du pain et du vin eucharistiques : même consacrés, ils ne sont symboles que dans la mesure où nous croyons et vivons la présence réelle de Jésus Christ parmi nous, et que nous y communions. (p. 74) ». L’auteur s’inscrit bien dans un refus des gestes magiques et sur une articulation entre Eglise comme communion et comme institution amenée à vivre au cœur d’une caravane humaine qui passe souvent "les pieds en feu" pour reprendre une expression forte d’Emmanuel Mounier.
Il s’agit bien d’un « témoignage à la première personne ». Dans une phrase qui mériterait à elle seule une réflexion plus approfondie et livre la tonalité de l’ouvrage, Paul Löwenthal s’exprime en tant que laïc chrétien : « Être fidèle debout, ce n’est pas être soumis à genoux. Nous sommes appelés à parler et à agir avec autorité, ressuscitant Jésus Christ et incarnant la grâce de Dieu. » (p. 87).
Il y aurait encore beaucoup à partager ici, avec l’impression d’avoir dit trop peu et d’avoir négligé les différentes facettes de l’œuvre. Le propos ici est simplement d’inviter chacune et chacun à s’approprier l’ouvrage, à partager ses propres questions et propositions. Celles-ci pourraient aider à façonner un autre visage d’Eglise qu’une vision routinière ou consumériste que les circonstances actuelles invitent résolument à abandonner, comme l’ont fait un Maurice Bellet, un Joseph Moingt, un José Reding, un Jacques Vallery, et d’autres encore. À titre personnel, après lecture de l’ensemble, je vous le recommande et propose que nous puissions échanger par la suite, en dialogue avec l’auteur.
Joseph Pirson
Notes :
[1] Paul Löwenthal, Par nous, avec nous et en nous. Ed. Vérone 2020, 118 pages.
retourner dans l'article
