Des torrents d'eau et d'inhumanité
Philippe Liesse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°68 (9/2021)
Singin’in the Rain ! Une chanson fétiche, mais qui sonne faux dans le panel météo des derniers mois. Chantons sous la pluie ! Une idée pour le moins saugrenue quand on a pu prendre conscience de la force de destruction des orages et des rivières gonflées par des pluies infernales !
Oui, ce sont bien des spectacles d’enfer que ces pluies diluviennes ont chargés. Des spectacles d’enfer au sens premier du terme : le mal absolu, l’inhumain !
Certains de nos proches ou connaissances ont perdu un peu, ou beaucoup, ou tout ! D’autres, des inconnus, des anonymes se retrouvent sans rien, sauf peut-être quelques pierres ou quelques murs, mais qu’il faudra raser parce qu’ils ne présentent plus la moindre stabilité.
Comment sortir de cet enfer ? Comment redonner un semblant d’humanité dans cette désolation récurrente ?
Si nous voulons en sortir, la balle est bien dans notre camp ! Serons-nous capables de prendre au sérieux les prédictions des experts sur l'évolution du climat ? Serons-nous capables d’en tirer enfin les conséquences et de changer nos habitudes pour vivre en harmonie avec la nature ? Les appels ne manquent pas ! Ainsi, le pape François, dans son encyclique Laudato Si, remet en cause le réchauffement climatique en critiquant les vues à court terme de notre civilisation et en se questionnant sur l’inégalité planétaire entre le Nord et le Sud.
Il souligne notre responsabilité face aux générations futures : J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. En d’autres termes, il nous ramène à la question bien pertinente : « Quelle terre allons-nous offrir à nos enfants ? »
En adressant une telle invitation, il s’engage à fond dans une remise en cause des fondamentaux de notre société industrielle !
Mais il y a d’autres torrents qui charrient l’inhumain. Les images en provenance de Kaboul disent autant la douleur et le désespoir. Et pourtant, ce n’est pas dame nature qui tire à bout portant sur ces Afghans. Non la tempête est d’un autre ordre, elle porte le nom de Talibans et elle se perpétue dans la riposte sécuritaire de l’Occident.
À travers des ponts aériens instaurés entre Kaboul, Islamabad, et diverses capitales américaines et européennes, les avions ramènent « à la maison » des nationaux et autres Afghans associés au travail des différentes armées qui étaient intervenues comme garantes d’une certaine liberté dans la sécurité. Mais ces interventions, qui se terminent aujourd’hui sur un échec retentissant, étaient-elles vraiment gratuites et légitimes ? Il y a quelques années déjà, un économiste français disait : Le tout sécuritaire ne suffira pas. Le terrorisme se nourrit de la poudrière inégalitaire moyen-orientale, que nous avons largement contribué à créer. À terme, le véritable enjeu est la mise en place d’un modèle de développement social et équitable, là-bas et ici.[1]
Il y a donc du pain sur la planche pour reconstruire une vie qui soit en harmonie avec la nature et en équité dans nos rapports humains. Pour notre petite part, nous croyons vraiment en la nécessité de faire advenir un Autre Visage d’Église et de Société.
Philippe Liesse
Notes :
[1] Thomas Piketty, dans La Libre Belgique du 25/11/2015.
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