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Que peuvent attendre les migrants de la part du Conseil de l’Europe ?

Fernand Jehl
Publié dans Bulletin PAVÉS n°70 (3/2022)


Lors de son assemblée générale annuelle le 22 mai 2021, le Réseau européen Églises et Libertés (www.en-re.eu) a publié une déclaration sur l’Europe. Les membres du Réseau se posaient trois questions qui touchent de très près les politiques européennes : l’Europe saura-t-elle donner une réponse de solidarité et d’équité face aux risques de mercantilisme des industries pharmaceutiques dans la distribution des vaccins Anti-Covid 19 ? L’Europe saura-t-elle développer des politiques pour un accueil par les États membres selon des modalités de répartition concertée ? L’Europe saura-t-elle proposer sa médiation pour progresser vers une paix durable et un plan de désarmement nucléaire ?

Ces lignes, comme l’indique leur titre, ne porteront que sur la deuxième question dédiée au sort dramatique des migrants en Europe. Elles s’intéresseront plus particulièrement à quelques réponses données à cette question par le Conseil de l’Europe (www.coe.int ), l’une des institutions internationales impliquées dans les politiques publiques étroitement liées aux droits humains.

Rappel des termes de la déclaration du Réseau Européen Églises et libertés le 22 mai 2021, dans le paragraphe consacré aux migrations :

« Le problème des migrants ne peut être résolu uniquement en s'habituant aux morts en mer, aux détentions atroces dans les camps en Libye et aux rejets souvent illégaux et brutaux vers l’Afrique.

La situation ne va pas s'améliorer. Les causes sont bien connues : les situations économiques et sociales et les guerres dans les pays en grande détresse, le terrorisme allié au fanatisme, la présence militaire extérieure et l'exploitation des ressources locales.

Une politique d'accueil sur notre continent est à présent impérative et urgente. Cette politique doit assurer la sécurité de toutes et tous, Elle procédera à la répartition des migrants entre les différents pays de l'UE, à partir de critères rationnels. Elle veillera à l’instauration de structures d'intégration fortes.

Cette ligne de conduite est demandée non seulement pour des raisons humanitaires. Elle se justifie également par la logique à long terme de prévoyance à long terme :  faire face au déclin démographique valoriser la jeunesse et les forces actives.

Les religions doivent jouer un rôle décisif dans ces perspectives. »

Comment le Conseil de l’Europe (CdE) contribue-t-il aux politiques d’accueil et plus particulièrement au respect de la dignité humaine des migrants, dignité fondée sur les droits humains, l’une des valeurs essentielles au sein de cette organisation internationale ?

Trois instances parmi bien d’autres illustrent les travaux menés au sein du CdE pour développer l’accès aux droits des personnes migrantes :

1. Au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) 85 parlementaires élaborent des recommandations politiques grâce à la Commission « Migrations, réfugiés et personnes déplacées ».

2. Au Secrétariat général du CdE, la Représentante Spéciale de Mme la Secrétaire Générale auprès des migrants et des réfugiés, Mme Kayacik, symbolise la volonté politique du CdE de donner un caractère prioritaire à l’action en faveur de ce public.

3. Au sein de la Conférence des Organisations Internationales Non Gouvernementales (OING), des associations disposant du statut participatif au CdE forment un Comité « Droits des personnes migrantes » chargé de formuler des propositions aux instances politiques du CdE pour améliorer les conditions d’accueil puis d’insertion des populations migrantes.

Quelques rappels, pour une meilleure compréhension du fonctionnement du Conseil de l’Europe (CdE)

Le Conseil de l’Europe basé à Strasbourg, depuis sa création le 5 mai 1949, comprend à présent 47 États - membres, représentant plus 830 millions de citoyens. Il est formé d’un Comité des ministres, d’une Assemblée parlementaire, d’un Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et d’une Conférence des OING.

Le Comité des ministres (https://www.coe.int/fr/web/cm) rassemble les 47 ministres des affaires étrangères de leur pays. Ceux-ci donnent délégation aux ambassadeurs de leur pays qui siègent toutes les semaines. Le Comité des Ministres est l’instance statutaire de décision du Conseil de l’Europe.

L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe est composée de 648 parlementaires (324 titulaires et 324 suppléants). Ceux-ci sont désignés par le Parlement de chaque pays, leur nombre est corrélé à la taille de la population du pays (la Belgique dispose de 14 sièges, la France dispose de 36 sièges, la moitié d’entre eux sont titulaires et l’autre moitié, suppléants). Cette assemblée siège 4 fois par an au cours d’une semaine complète. (https://www.pace.coe.int )

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux comprend également 648 élus des Collectivités territoriales et des Villes au nombre de plus de 150 000. Il est chargé de renforcer la démocratie locale et régionale dans ses 47 États membres. (https://www .coe.int/fr/web/congress/home)

La Conférence des Organisations Internationales Non Gouvernementales (OING) regroupe lors de deux assemblées générales annuelles plus de 300 associations à vocation européenne. Les OING contribuent activement au processus décisionnel au sein du Conseil de l’Europe et à la mise en œuvre des programmes de l’Organisation, veillant ainsi à ce que ces derniers répondent aux aspirations des Européens. (https://www.coe.int/fr/web/ingo)

La coordination générale entre ces instances constitutives du CdE, les services administratifs, les comités d’experts est assurée par une Secrétaire Générale, élue par l’APCE. Ces fonctions sont assurées actuellement par la Croate Marija Pejčinović Burić élue en juin .2019.

Comment l’Assemblée Parlementaire contribue-t-elle à l’évolution positive de la situation des migrants ? Le rôle important de la Commission des Migrants, Réfugiés et personnes déplacées.

Outre le travail politique lors des séances plénières dans l’hémicycle, les parlementaires participent à différentes commissions. Elles sont au nombre de 9 et portent sur des sujets d’ordre politique, juridique et social. L’une d’entre elles est consacrée aux migrants, aux réfugiés et aux personnes déplacées. Son travail est réparti en trois sous-commissions :

- Sous-commission sur les enfants et les jeunes réfugiés et migrants

- Sous-commission sur les diasporas et l'intégration

- Sous-commission sur le trafic de migrants et la traite des êtres humains

À l’examen des travaux de la sous-commission dédiée aux enfants on peut noter le précieux dossier intitulé « Mettre fin à la rétention d'enfants migrants ». « La Campagne parlementaire pour mettre fin à la rétention d'enfants migrants préconise une interdiction définitive du placement d'enfants en centres de rétention et la mise en place de solutions alternatives, qui puissent offrir des garanties pour leur bien-être et leurs besoins spécifiques ».

Cet exemple traduit bien l’importance du travail des parlementaires issus d’états membres très divers, de législations, de culture humanitaire très différentes » Parmi les membres de la sous-commission « les enfants » on peut citer la présence de deux parlementaires belges : M. Tom Van Krieken et Mme Marie-Christine Marghem (suppléante) et 4 parlementaires français MM. Jérôme Lambert et Jacques Le Nay, et Mmes Yolaine de Courson et Sylvie Goy-Chavent (suppléantes).

Comment Mme Leyla Kayacik, Représentante spéciale de la Secrétaire générale (RSSG) pour les migrants et les réfugiés, contribue-t-elle à donner un caractère prioritaire à l’action politique en faveur des migrants ?

https://www.coe.int/fr/web/special-representative-secretary-general-migration-refugees/special-representative

Le mandat de ce haut fonctionnaire date de 2016, année marquée par une arrivée massive de réfugiés. « Depuis de nombreuses années, le Conseil de l'Europe prête attention à la situation des réfugiés et des migrants. L’organisation est particulièrement préoccupée par la protection des plus vulnérables, comme les enfants migrants, y compris les mineurs non accompagnés. Ce mandat consiste notamment à proposer une assistance et un soutien immédiats aux États membres, ainsi qu'à compléter les activités menées par d’autres organes du Conseil de l'Europe. Il inclut également la coordination de l’action du Conseil de l’Europe avec des partenaires internationaux, notamment le HCR, l'OIM, l'UNICEF, l'UE et ses agences spécialisées, ainsi que d'autres parties prenantes nationales, régionales et internationales, y compris au sein de la société civile ».

Le travail du Conseil de l'Europe sur les migrations est devenu plus visible, avec des mises à jour régulières de la situation dans les États membres par le biais de missions d'enquête sur le terrain, de débats thématiques au sein du Comité des Ministres.

On peut noter tout particulièrement l’attention que Mme Kayacik (RSSG) et son bureau accorde à la Conférence des OING et au Comité « Droits des personnes migrantes ». Lors de la rencontre du 4 février 2022, elle a adressé deux recommandations aux OING solidaires des migrants.

D’une part elle les invite à participer au programme du CdE intitulé EQPR (European Qualifications Passport for Refugees) : « le Passeport européen des qualifications pour les réfugiés ».13 États membres participent pour l’instant à ce programme. L’objectif est de spécialiser des formateurs par pays, afin de connaître les systèmes de formation des pays d’origine (l’Afghanistan par exemple), afin de déterminer le niveau d’accès à la poursuite d’études, universitaires essentiellement, mais également en vue de la formation professionnelle.

D’autre part, le bureau du RSSG a des liens étroits avec le département de la Jeunesse au Conseil de l’Europe et tout particulièrement dans le cadre de la Recommandation CM/Rec 4 du Comité des Ministres aux États membres sur l’aide aux jeunes réfugiés en transition vers l’âge adulte (adoptée par le Comité des Ministres le 24 avril 2019). La phase de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes mineurs et majeurs est cruciale pour le respect des droits humains. Des contacts sont en cours pour permettre aux jeunes « Sans-papiers » d’être entendus au sein de la « Commission mixte Jeunesse » au sein du CdE.

Comment la Conférence des OING et tout particulièrement le Comité « Droits des personnes migrantes » qui en est issu, font des propositions aux instances politiques du CdE pour améliorer les conditions d’accueil puis d’insertion des populations migrantes ?

La Conférence des OING se réunit deux fois par an au CdE à Strasbourg pour son Assemblée générale. 8 Comités complètent actuellement les travaux de la Conférence afin d’examiner des questions spécifiques d’une manière approfondie. Ces Comités se déroulent à l’heure actuelle, le plus souvent, en ligne, par webinaire.

Le Comité « Droits des personnes migrantes » est présidé par Daniel Guery (du MIAMSI, Mouvement international de l’apostolat en milieux sociaux indépendants) et comprend une trentaine de membres qui représentent une vingtaine d’OING : Médecins du Monde, Caritas Europe, SOS-Méditer-ranée, PICUM, ESAN, EUROCEF, EN-RE, MIAMSI, Justice et Paix, AIC, Pax Romana, la FIACAT, etc.

https://www.coe.int/fr/web/ingo/rights-of-persons-who-are-migrants

Le Comité s’est donné deux axes de travail :

Axe 1 : Garantir le droit d’accès des ONG aux populations migrantes. Il s’agit de contribuer à la structuration d'un environnement favorable aux actions humanitaires menées par les OING et les ONG. L'accès des ONG aux populations migrantes (centres de détention, centres d'accueil, espaces publics, etc.) est fréquemment menacé et contrarié par des répressions policières et parfois sanctionné par des poursuites judiciaires, 

Axe 2 : Défendre l’accès aux droits des Migrants dans trois domaines essentiels, celui de la santé (santé mentale, santé des enfants, accès à la vaccination, accès au logement), celui de l’éducation, (la formation linguistique), celui enfin de la sécurité.

Pour conclure cette présentation très partielle, on peut néanmoins relever que le Conseil de l’Europe fonde son efficacité sur au moins trois types de contributions : celle des parlementaires, les élus de chaque pays, celle des fonctionnaires internationaux du Conseil de l’Europe et de ses experts, celle enfin des membres des OING, porte-parole de la société civile et des citoyens de toute l’Europe. L’implication de chacun est déterminante au service de cette synergie, emblématique du Conseil de l’Europe et essentielle pour son efficacité. Nous sommes nombreux à espérer que cette efficacité soit à la hauteur des attentes et de la dignité des migrants et nous voulons y contribuer.

             Le 18 février 2022

Membre du EN-RE et du Comité « droits des personnes migrantes »


Fernand Jehl


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