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Le malaise des prêtres :

"le célibat obligatoire, c'est l'enfer!"

Eletta Cucuzza
Publié dans HLM n°168 (6/2022)


En 2021, l’article d’un psychiatre dans la revue dehonienne "Il Regno" a suscité pas mal de réactions en Italie au point d’être suivi pendant plusieurs mois par un « débat » et une reprise du sujet par l’auteur lui-même. L’analyse s’intitulait « le malaise des prêtres ».   

Est-ce par hasard que venait de sortir en France une Étude sur la santé des prêtres[1] publiée par la Conférence épiscopale de France ? Cette publication était importante puisqu’elle reposait sur les réponses de 42 % des prêtres de la population concernée, c’est-à-dire seulement les prêtres en activité. Le dossier de presse de cette enquête se voulait rassurant et mettait en évidence les éléments suivants :

-  La qualité des réponses fournies,

-  Un état de santé physique déclaré plutôt satisfaisant mais une plus forte prévalence de maladie chronique encore accentuée pour les plus âgés,

-  Une estimation de burnout pour moins de 2 % des prêtres,

-  Un état de santé psychique moins favorable caractérisé par une forte prévalence des états dépressifs quel que soit l’âge, accentuée par l’isolement dans son lieu de vie et l’absence de soutien (pastoral et matériel), et un faible score d’accomplissement personnel pour 4 répondants sur 10,

-  Une forte prévalence du surpoids et de l’obésité,

-  Un mésusage de l’alcool pour2 prêtres sur 5,

-  Des pratiques préventives qui si elles restent à améliorer sont d’un bon niveau.

Mais la mention des difficultés concernant l’état de santé psychique des prêtres ne manquera pas d’interpeller : l’analyse du psychiatre italien ne pouvait pas mieux tomber… (P. Collet)

*

Le célibat obligatoire des prêtres est un sujet qui resurgit ici et là dans l’Église, et pas seulement au niveau de la base qui s’exprime souvent en faveur du célibat facultatif ou des prêtres mariés, mais aussi dans la hiérarchie (par exemple au Synode pour l’Amazonie). Du point de vue "ecclésiastique", il s’agit d’une préoccupation liée au problème de la diminution des vocations sacerdotales : c’est ce que montrait entre autres l’intérêt suscité par une analyse publiée dans le bimensuel des religieux dehoniens Il Regno du 15 janvier 2021, sous la plume du psychiatre et bioéthicien Raffaele Iavazzo. L’article s’intitulait Le malaise des prêtres. Pasteurs nouveaux, nouveaux pasteurs.[2] Iavazzo lui-même a ensuite rendu compte de cet intérêt, plus diffus qu’explicite, dans la même revue sous le titre Débat : soif de formation, de guidance, d’accompagnement laïc, d’une réforme du célibat,[3] « Dans l’article publié au début de l’année, écrit-il, j’ai tenté de jeter un pavé dans la mare de la réflexion sur le célibat obligatoire. Cet article m'a valu la surprise d’un intérêt insoupçonné de la part de nombreux lecteurs, dont des évêques. »

 « Avec de nombreux prêtres, j'ai un contact bien établi d'amitié et en raison de ma profession de psychiatre et de formateur", déclare Iavazzo dans le second article, "légitimant" ainsi ses interventions sur le sujet en question. "Cela me place en bonne position pour connaître à la fois l’océan de bienfaits qu’ils génèrent et les cas moins chanceux qui portent chaque jour les marques de leurs blessures et de leurs épreuves. Ce qui me pousse à revenir sur le sujet est le fait que ces cas moins chanceux, tout en restant nettement minoritaires, représentent un nombre important, qui méritent vraiment une attention qui ne peut plus être ajournée au niveau institutionnel ».

Dans son article, l’auteur analyse l’impact psychologique de l’obligation de célibat dans les différentes phases de la vie du prêtre et interroge la pratique ecclésiale. Il déclare d’emblée son étonnement face au « besoin constant de discrétion, pour ne pas dire de silence concernant des problèmes aussi graves que les questions sexuelles, par exemple, ou celui de la chute vertigineuse des vocations », observant que « ceux qui ont le devoir de diriger sont de plus en plus atteints d’aphasie et de désorientation, se contentant des paroles officielles d’indignation et de principe ».

« Aujourd’hui, poursuit-il, on reste impassible face à des communautés entières privées d’eucharistie faute de prêtres, et pourtant quiconque étudie l’histoire de l’Église conviendra que le clergé, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’est pas le fruit de la volonté divine, que c’est un produit historique qui peut subir des modifications. » Et donc « nous avons le devoir de laisser à la liberté de l’Esprit de voir si et comment et quand soumettre le clergé à des changements [...] dans un cadre organique de réformes de tout le système ecclésiastique. »

Ce constat amène Iavazzo à poser les questions suivantes : « L’Église admet-elle que contraindre à l’abstinence sexuelle obligatoire, tous ceux qui entendent se consacrer au service de la communauté, revient à assumer une responsabilité que les faits déclarent insoutenable pour beaucoup et donc injuste et donc inappropriée ? L’Église sait-elle qu’il y a des hommes qui vivent un enfer personnel à cause de cela ? Sait-elle qu’ils entraînent souvent dans cet enfer d’autres personnes, dont la seule faute est seulement d’aimer ?

« Les situations d’égarement et de peur se multiplient, raconte le psychiatre, une foule d’hommes s’interrogeant sur le sens de leur vie et de leur destin. Ce sont des hommes qui cherchent un répit et qui ont un grand désir de vivre sans honte et sans se sentir indignes d’être pardonnés, et de sortir littéralement d’un enfer. Malheureusement, à côté d’eux, il y a d’autres hommes qui devraient les guider et qui semblent tout aussi effrayés et ne savent pas comment les accompagner et qui se taisent comme par délégation tacite, attendant quelqu’un qui sache ou qui veuille le faire. »

Que font les enseignants, les pères spirituels, les confrères, leurs évêques et cardinaux, les communautés de tant d’hommes qui souffrent, se demande-t-il avec appréhension ? « Savent-ils les soutenir, les motiver pour retrouver les paroles de la vie éternelle, savent-ils être des instruments de réconciliation, de pardon, de remise en route ? » Ils sont "une armée de pasteurs", de personnes "moyennement consciencieuses et bien intentionnées" et "certes bien formées". On peut s’attendre à une "bonne parole" de leur part. Souvent on aimerait que leurs discours ne soient pas, comme on dit, de l’eau de rose, avec des propos courtois et rhétoriques, et ne se réfèrent qu’aux valeurs universelles d’un consensus unanime. Nous voudrions des paroles adaptées à ces temps d’urgence, des paroles conscientes que les églises sont de plus en plus vides et les prêtres de plus en plus rares, et que ceux qui sont sur la brèche sont pleins de problèmes et de souffrances et sentent le vide qui se fait autour d’eux. Alors qu’on a l’impression que face à certains récits de leurs prêtres, ils utilisent des mots gênés, ils se sentent comme surpris et non préparés. Il faut de la compassion pour eux aussi. Il faut de la compassion pour penser à ce "déclin sans fin". »


Eletta Cucuzza (Adista)

Notes :

in Adista 1er octobre 2021 - https://www.adista.it/articolo/66760
traduction : P. Collet

[1]  https://Église.catholique.fr/actualites/etude-sante-pretres-activite/


[2] Il Regno, 2/2021 en accès libre sur https://ilregno.it/attualita/2021/2/il-disagio-dei-preti-pastori-nuovi-nuovi-pastori-raffaele-iavazzo


[3] Il Regno, 16/2021 en accès libre https://ilregno.it/attualita/2021/2/sacerdozio-sessualita-appunti-per-una-road-map-raffaele-iavazzo








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