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La lettre de H.L.M. (septembre 2022)

Les leçons du suicide d’un prêtre

Pierre Collet
Publié dans HLM n°169 (9/2022)


Plusieurs lecteurs nous ont remerciés d’avoir publié dans notre numéro précédent un résumé de l’analyse du psychiatre italien Rafaele Iavazzo sur le malaise des prêtres. Une fois de plus, c’est l’impact psychologique de l’obliga-tion du célibat qui était relevé ainsi que le manque d’attention de la hiérarchie à ce phénomène, voire l’omerta entretenue sur le sujet. On était loin de s’imaginer qu’un mois plus tard, le suicide du prêtre français François de Foucauld allait être un des sujets polémiques les plus médiatisés de ces dernières semaines. Son nom de famille, son âge (50 ans), son diocèse (Versailles), sa personnalité forte et clivante – son entêtement selon certains – n’y sont sans doute pas pour rien.



Un suicide est toujours terrible, notamment pour la part de solitude profonde qu’il suggère ; celui d’un prêtre est accablant de la part de quelqu’un censé être un soutien et un recours pour les autres. Les médias et les réseaux sociaux affirment immédiatement qu’il faut préciser le contexte de ce drame : le conflit avec une partie de ses paroissiens et avec son évêque l’avait écarté de son ministère depuis plusieurs mois, sans qu’un audit externe ait permis le moindre éclaircissement ni une reprise du dialogue. La thématique des "abus de pouvoir" était devenue le leitmotiv du discours du prêtre jusqu’à y consacrer une tribune dans La Croix du 2 décembre dernier[1] et faire la couverture du Pèlerin pour illustrer "le droit des prêtres au bonheur"… À le lire, on saisit d’emblée le débat de conscience qui devait le travailler, la communauté qui lui était confiée ne rencontrant pas ses convictions personnelles ni son projet pastoral. Un de ses amis, René Poujol, décrit la situation avec franchise, empathie et pondération, alors que la presse catholique choisissait plutôt la discrétion. Mais il s’interroge aussi sur le succès de ses chroniques : « ce qui m’a le plus frappé est la spontanéité du témoignage de plusieurs prêtres, se disant eux-mêmes en souffrance. […] Lorsque des prêtres en viennent, à la faveur d’un tel drame, à choisir pour interlocuteur un simple blogueur catholique […] parce que le monde ecclésiastique où ils baignent se montre sourd, on peut dire qu’il y a problème. »[2]

Dans la foulée de cette analyse, renvoyons à deux commentaires qui nous paraissent très éclairants, celui de Christine Fontaine[3] de Dieu Maintenant et celui de Blandine Ayoub de Saint-Merry-Hors-les-Murs[4]. Toutes les deux ont vécu la collaboration heureuse entre prêtres et laïcs mais aussi le conflit et l’exclusion le jour où un prêtre ou un évêque n’a plus accepté de "partager le pouvoir"… À propos d’un événement précis d’ailleurs, le verdict de C. Fontaine est implacable : « On ne peut pas mieux décrire une conception de l’Église centrée sur le prêtre et la sacralisation de son pouvoir. Dans le cas de F., quand son propre pouvoir de leader "charismatique" est contesté (à tort sûrement quant aux faits précis reprochés mais à raison quant à sa non-écoute de ceux qui contestent cette manière d’être), il ne le supporte pas. À mon avis, on peut parler de "pathologie" dans le cas de ce prêtre. […] Ce système est profondément déviant, selon moi. Il est même suicidaire pour l’Église. Le suicide de ce prêtre en est le signe dramatique. »

Autrement dit, il devient chaque jour plus urgent de clarifier le statut et le rôle des prêtres comme on le réclame depuis des décennies et cela bien au-delà de la question de l’obligation du célibat ou des abus sexuels. Invités par Martha Heizer d’Autriche, des membres du Mouvement Nous-Sommes-Église ont tenu le 11 juin dernier une réunion zoom sur "la prêtrise" en se focalisant sur la différence entre "ordination" et "consécration", ce dernier terme impliquant un caractère "sacré" si facile à contester… Mais ces catégories sont d’autant plus difficiles à manier que les mots n’ont pas forcément le même sens dans nos diverses langues ou cultures : le latin permettait de lisser bien des aspérités… N’empêche : le groupe est parvenu à un communiqué qu’on trouvera ci-dessous.

Nous avons aussi choisi de vous partager l’analyse d’une philosophe italienne sur "cléricalisme versus vulnérabilité" : c’était opportun…



Pierre Collet (Hors-les-murs)

Notes :

[1] https://www.la-croix.com/Debats/Abus-contrainte-silence-lEglise-passe-plus-2021-12-02-1201188160

[2] https://www.renepoujol.fr/suicide-de-versailles-en-attente-dune-parole-vraie/

[3] http://www.dieumaintenant.com/apreslesuicidedunpretre.html

[4] https://saintmerry-hors-les-murs.com/2022/07/22/suicide/




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