Vieillir : c’est quoi ? Et comment fait-on ? Avec soi-même, avec les autres ?
Yvonne Mignot
Publié dans CEM n°136 (9/2022)
Pour aider à répondre à
toutes ces interrogations, je ne peux que conseiller cet excellent livre de
Colette Maskens[1].
Elle partage l’expérience de sa propre vieillesse, ses réflexions. Elle en montre toutes les étapes qui passent de l’étonnement face à ce qui lui arrive, à l’acceptation, aux ajustements à faire. Elle démontre que, malgré nos fragilités, nous sommes responsables de notre bien-être personnel, de notre relation aux autres et de notre connexion avec le monde qui nous entoure. Agréable à lire, ce livre bien structuré nous offre, en plus d’expériences concrètes de vie, des encarts qui approfondissent la réflexion, des dessins explicites et amusants, des suggestions de lectures et une belle introduction de Matthieu Ricard.
L’auteure se donne le droit de reconnaître et de nommer les difficultés rencontrées dans cette période de vie. Elle regrette de ne pas avoir reçu le mode d’emploi. « On ne m’avait pas prévenue » écrit-elle. Pourquoi a-t-on si peur d’en parler ? Pourquoi avons-nous tant de difficultés à écouter la personne âgée sans nous croire obligés de trouver des solutions à sa détresse ?
Colette Maskens raconte « la partie d’elle pas heureuse de devenir vieille » : le corps qui lâche, la fragilité qui s’installe. Sa prise de conscience de la vieillesse est progressive. Au début de sa retraite, elle vit l’euphorie d’une liberté retrouvée. Elle savoure le rythme de vie plus lent, malgré la sensation désagréable de ne plus être productive. Mais vite, elle réalise l’importance de besoins d’échanges avec d’autres. Puis, s’installe ce que l’auteure appelle « le retrait ». Elle a la sensation d’oser moins, d’être frileuse devant certains actes de vie : sortir le soir, conduire…
Progressivement, l’auteure réalise qu’elle n’est plus celle qui donne, mais celle à qui on donne.
Elle veut anticiper la perte d’indépendance progressive qu’il peut y avoir et qui pourrait aboutir à une dépendance totale. Y réfléchir l’apaise. Pouvoir s’arrêter et prendre le temps d’accueillir tous ces changements qui s’accumulent, nous dit-elle, permet d’agir au mieux et de trouver ce qui est important ici et maintenant, de s’ajuster.
Mais le bonheur dans tout cela ?
Que faire en ce qui nous concerne ? Il est primordial de regarder l’évidence de cette vieillesse en osant voir ce qui se passe, en reconnaissant les émotions et les peurs qui nous habitent, en ne restant pas dans la tristesse et la nostalgie des actions inaccomplies. Nous imprégner de la notion bouddhiste d’impermanence nous aidera à ne pas rester accrochés au passé et à profiter de ce qui nous entoure.
L’auteure nous partage sa réflexion sur le comment agir.
Soyez dans l’activité, nous dit-elle. D’accord, mais pourquoi et comment ? « … dans le but de rester dans la meilleure forme possible tant de corps que d’esprit, afin d’offrir aux personnes que je rencontre le meilleur de moi-même. Faisant cela, j’ai la certitude de rencontrer le bonheur qu’apporte toute relation… »
N’oublions pas non plus de donner un sens à la journée qui s’annonce et à cette période de vie en croyant au bénéfice des gouttes d’eau. Si une goutte d’eau a le pouvoir de faire déborder un vase, elle est alors primordiale. Pourquoi donc ne pas continuer nos petits efforts pour arriver à un monde plus vivable.
Que faire en ce qui concerne notre relation aux autres, à l’humanité ? La relation d’amour et d’amitié que vit l’auteure avec ses proches, cet « échange simultané dans le donner et le recevoir » la rendent profondément heureuse. Que fait le donnant, s’il n’a pas de receveur ? Pour nourrir cette relation, il est donc important de soigner notre capacité à recevoir à partir du moment où l’on peut moins donner. Écouter, partager notre expérience, tout simplement être là, c’est à dire se mettre en lien et préparer son départ en communiquant un maximum.
Dans sa dernière partie, Colette Maskens ne parle plus en points d’interrogation, mais avec un point d’exclamation.
Au travail !
Ce chapitre nous livre les trucs, astuces et supports qui l’aident à vivre chaque journée. Sa philosophie cadre avec celle de Jon Kabat-Zinn : « Prendre soin de l’instant présent est la meilleure façon de prendre soin de l’avenir ». L’éradication des pensées négatives, la méditation en pleine conscience, la lecture bien sûr, mais surtout le sourire et le rire font partie de ses ‘ficelles’.
Rester responsable de la bonne conduite de notre vieillesse. Accepter de nager avec le courant en prenant les bonnes choses qui se présentent. « Le bonheur ne peut venir d’évènements extérieurs à moi. Il découle de ma manière d’être à l’intérieur de moi. », conclut l’auteure.
À 77 ans à la sortie de ce livre, Colette Maskens possède une solide expérience de thérapeute en analyse bioénergétique, une longue pratique du yoga, de la méditation et de la pleine conscience.
Yvonne Mignot (Communautés de Base)
Notes :
[1] [1]Colette Maskens, Vieillir. Un temps qui s’apprivoise, Ed. De Boeck 2014, 120 p.
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