Éditorial : À droite, toute !
Philippe Liesse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°73 (12/2022)
En ta droite, délices éternelles
(Psaume 16, 11)
Plusieurs pays auraient-ils pris dans un sens politique la parole du psalmiste ? À droite, des délices ? À voir !
Orbán détient le pouvoir depuis des années en Hongrie, Meloni vient de l’acquérir en Italie alors que des mouvements nationalistes réalisent des scores historiques aux quatre coins de l’Europe… et du monde ! Des délices à droite ?
L‘économie européenne semble patiner. On parle aujourd’hui de « décroissance » ! Celle-ci n’engendre que des frustrations sociales. Devant ce champ de frustrations, les diverses sociétés développées courent le risque de voir s’affirmer une extrême-droite conquérante.
C’est un phénomène mondial qui concerne tout autant des droites conservatrices de plus en plus dures que la droite radicale affichée, car le nationalisme peut séduire en période de crise. C’était déjà le cas pour l’homme des cavernes. Lorsqu’il devait faire face à quelque chose de nouveau, il rentrait d’urgence dans sa grotte pour s’y calfeutrer et se protéger. Il bouchait tous les trous pour que le danger ne puisse l’assaillir. Défendre ses biens, son milieu de vie, son chez lui. En d’autres termes : clanisme, protectionnisme, nationalisme. Aucune région du monde ne semble imperméable à cette tentation du protectionnisme !
Au Japon, Shinzo Abe[1], leader du Parti libéral-démocrate (PLD) voulait mettre en place une politique nationaliste et révisionniste. Il se voulait fidèle à l’énergie nucléaire, même après Fukushima, aligné à son allié américain pour contrer la Corée du Nord, et partisan d’un programme de relance économique. S’il est arrivé à maintenir un taux de chômage assez faible, les inégalités sociales ont engendré une pauvreté galopante au sein de la société et terni les résultats économiques escomptés !
En Australie, Scott Morrison fut premier ministre de 2018 à 2022. Il s’est fait connaître comme ministre de l’immigration lorsqu’il a mis en place l’opération Frontières souveraines. Cette opération consistait à intercepter tous les navires en situation illégale pour « installer » les passagers dans des camps en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
En Italie, Giorgia Meloni a pris la tête du gouvernement, remportant une victoire historique aux législatives de septembre. Elle donne surtout de l’honorabilité à son parti postfasciste Fratelli qui arrive ainsi au pouvoir un siècle après Mussolini dont elle fut une fervente admiratrice.
En France, le Rassemblement National a fait un bond spectaculaire tandis que chez nous, l’institut de sondage Kantar montre que 20 % des Belges ne se sentent plus à l’aise dans un régime démocratique. Dictature ou Parti unique, Pourquoi pas ?
Donald Trump ou encore Boris Johnson ont montré de manière ostentatoire comment la droite peut dériver vers une radicalisation de pointe ! Chacun chez soi ! America First ! Brexit ! Il faut cadenasser les frontières !
Ces exemples ne relèvent pas d’une liste exhaustive, mais le refrain de la nécessité du cadenas résonne aux quatre coins du monde, et même au sein de l’Union Européenne où l’euroscepticisme a le vent en poupe.
La solution ? La meilleure, ou la moins mauvaise, consiste à s’efforcer de comprendre les frustrations qui habitent les populations et essayer d’y donner une réponse concrète plutôt que de se laisser séduire par le chant d’une extrême-droite qui ne cesse de faire des promesses entonnées sur un « il n’y a qu’à ». Promesses de délices empoisonnés.
Philippe Liesse
Notes :
[1] Ancien premier ministre (de 2006 à 2007 et de 2012 à 2020). Il est assassiné le 8 juillet 2022 à Nara.
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