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Femmes prêtres, enjeux pour la société et les Églises

Marie-Astrid Collet-Lombard
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« Nous ne voulons pas une part du gâteau. Nous voulons faire un autre gâteau » (Dorothée Sölle).  C’est en nous servant une métaphore pâtissière - soulignant combien cette activité culinaire appartient autant aux hommes qu’aux femmes - qu’Alice Gombault, théologienne et directrice de rédaction de Parvis, concluait le colloque Femmes prêtres. Enjeux pour la société et pour les Églises. Ce 16e colloque international et œcuménique organisé par l’association Femmes et Hommes en Église et son unité de recherches et documentation Genre en Christianisme s’est déroulé à Paris les 20 et 21 janvier 2006. Quatre membres du conseil de PAVÉS ont participé à cette rencontre équilibrant ses séances de travail entre conférences, témoignages inédits et débats.

Des femmes en majorité, des hommes, des prêtres homme et femmes, une religieuse, une femme évêque catholique, des pasteures, de diverses confessions et organisations chrétiennes sont venus témoigner de leur questionnement personnel ou présenter l’état de la question dans différentes églises (catholique, anglicane, protestante – luthérienne, calviniste, …). Près de 150 participants, en majorité européens et français quelques espagnols, hollandais, allemands, italiens, une intervenante norvégienne, une autre canadienne sans oublier les 6 belges, ont partagé sur cette question qui ne concerne pas que l’aspect religieux. Elle trouve en effet une incidence notable dans le rapport plus général entre société civile et religions : à l’échelon des États, comme au Conseil de l’Europe, au Parlement européen et dans divers organes se référant à l’ONU, on cherche aujourd’hui à ce que les religions ne s’opposent plus au plein exercice par les femmes de leurs droits humains.

L’accès des femmes à tous les ministères, ce n’est pas simplement une affaire de justice. Cette ouverture radicale ne se contentera pas de changements superficiels : il faut plus qu’un changement de garniture, affirmait Alice Gombault.  Ce n’est pas parce que la femme va endosser le rôle sacralisé de l’homme, que cela changera. Nous risquons plutôt d’aboutir au même jeu. Il faut prendre du recul face au modèle masculin trop présent, trop lié au pouvoir, au sacré, à la division clers-laïcs … Nous ne nous contenterons pas de petits réajustements organisationnels.

Et plusieurs de souligner, lors des échanges avec les participants, combien est forte la demande d’un renouveau théologique du ministère. Qu’est-ce qu’un prêtre, qu’est ce qu’une communauté ? Si l’arrivée des femmes ne touche pas à ces fondements-là, à quoi cela aura-t-il servi ? Il faut renouveler la société et l’Église. Les enjeux sont de taille : appel est lancé aux pâtissiers de tout genre…

Faire un nouveau gâteau ? Avec quels ingrédients ?

Car quel que soit le gâteau, tout est dans les proportions et la liaison. Dans quel ordre mettre la farine, le sucre et les œufs ? Il y a des retournements qui s’opèrent… pourquoi n’ordonne-t-on pas les femmes ?

Parmi les éléments d’ingrédients, il en est à doser subtilement : plus d’être et moins d’avoir ; plus de partage et moins de pouvoir ; plus de vision d’avenir et moins de guerre… Mais il y a aussi les ingrédients que nous ne voulons pas y mettre : le sacré a été critiqué. Jésus n’a pas voulu ce modèle-là !                     

Le gâteau peut aussi faire découvrir une épice ou un parfum autre. Un zeste de collégialité, une nouvelle herméneutique, une sorte de levure transformant la pâte indigeste en un gâteau léger : une perception nouvelle de la blessure des femmes qui se sentent appelées, comme tel intervenant masculin l’a avoué ; et donc aussi du sérieux de la démarche qui a conduit certaines à demander l’ordination (j’ai le sentiment que c’était construit solidement) …

Qui doit faire le gâteau ?

Le Vatican fait-il son travail ? Se posent-ils parfois les bonnes questions, ceux qui se crispent d’abord pour garder le même moule et utiliser les mêmes recettes, alors qu’autour d’eux la société évolue, les femmes comme les hommes se forment et participent réellement aux ministères dans l’Église ? Mais nous aussi, laïcs, citoyens et citoyennes, nous sommes appelés à faire le nôtre, un travail pour lequel les outils sont là, nombreux …

Quand faire le gâteau ?

Faut-il attendre que la théologie soit renouvelée ?  Les choses avancent parce qu’il y a des pressions à la base. Sur le terrain, un équilibre se réalise progressivement et en de nombreux endroits, des femmes occupent des places, d’autres sont prêtes. La voix du magistère n’est plus la seule qui fasse réfléchir… 

Faut-il mener tout de front ? Constatons que trois stratégies sont présentes et selon François Becker, du Réseau Européen Églises et libertés, elles doivent s’exercer simultanément : il y a celles et ceux qui protestent en manifestant leur disponibilité dans l’attente d’un changement institutionnel ; d’autres qui exigent que l’on mette à plat les ministères pour déceler les attentes, les besoins… ; et depuis trois ans, il y a celles qui, en réponse à l’Évangile, font le pas de la transgression ou de l’obéissance prophétique et dont le combat est soutenu par des hommes et des femmes attentifs à une meilleure visibilité du message de Jésus-Christ.

Attention, le gâteau n’est pas encore cuit …

Et si l’ordination des femmes allait jouer un rôle de levain, donner un goût nouveau ? Oui, il nous faut encourager celles et ceux qui expérimentent de nouvelles recettes. Il nous faut aussi partager nos recettes.

Méfions-nous, rien n’est jamais acquis. Le gâteau est fragile, friable. Nous savons qu’existe la tentation de revenir en arrière, même si les recettes sont indigestes, non pertinentes. Et si un gâteau naissait d’une maladresse, d’un mitron étourdi. Pourquoi pas ? Faisons des gâteaux, ouvrons nos appétits dans la joie et l’espérance, nous invitait Alice Gombault envoyant chacune et chacun sur les chemins qui sont les nôtres…

Les déclarations et les échanges de ce colloque constituent une manifestation de la vitalité de nos Églises et de nos sociétés : tant qu’en leur sein naissent des vocations, des désirs, des protestations… qui poussent sur des voies nouvelles, on peut ne pas désespérer ! Par contre,  méfions-nous des fermetures, des morts. Si au sein de systèmes fermés, la vie bouillonne… au delà de la fermeture, un ferment agit qui les ouvre sur un ailleurs, un autrement, une transcendance.

Ce colloque a réussi à confirmer que la question des femmes n’est pas le point de focalisation le plus actuel, car il s’agit bien d’un verrou institutionnel qui ne parvient plus à cacher le passage-clé vers un renouveau, qu’espèrent des communautés chrétiennes de plus en plus nombreuses, telles ces 45 associations de la Fédération des réseaux du Parvis, soutenant elle aussi le colloque et qui fournira le cadre de la publication des Actes. Et comme membres de PAVÉS, nous sommes revenus renforcés dans nos convictions qu’il faut travailler et espérer avec tous ces groupes en réseau pour un Autre Visage d’Église et de Société.

2006 


Marie-Astrid Collet-Lombard (Hors-les-murs)


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