Publications

Rechercher les articles
par mot du titre ou mot-clé :

présentés par :

année et n° (si revue):

auteur :

Un nouveau visage d'Église

l'expérience des communautés locales et le rôle du prêtre

Pierre Collet
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues

Garder en service des prêtres de plus en plus rares et de plus en plus âgés, engager des prêtres étrangers, africains ou polonais, déléguer la pastorale de secteurs entiers à des « communautés nouvelles » également importées de l’étranger, les solutions sont toujours les mêmes, et s’en plaindre sans cesse commence à devenir lassant…C’est vrai qu’en attendant, les églises continuent de se vider irrémédiablement tandis que certains chrétiens continuent de chercher « ailleurs » des lieux communautaires de ressourcement, de liberté et d’engagement.

En Belgique comme en France, quand ils s’impliquent dans une restructuration des paroisses pour sauver ce qui peut encore l’être, la plupart des diocèses le font selon un schéma à peu près identique : centralisation, regroupements, équipes de pastorale spécialisée, etc…

Le diocèse de Poitiers a suivi une tout autre voie qui a été présentée en 2005 dans un livre intitulé Un nouveau visage d'Église[1]. Depuis dix ans, Mgr Albert Rouet y ouvre la porte à l'inventivité pour promouvoir une église de communion dans le sillage du concile Vatican II. Ce qu’on y découvre ne ressemble guère à ce que nous connaissons : plutôt que de poser la question à partir des prêtres, autour desquels tourne toute la problématique, et donc des laïcs qui sont là pour les aider, il s’agit de la poser à partir des communautés locales responsables, constituées d'une équipe de base animatrice, avec un prêtre qui vient les aider.

Ce qui frappe donc d'emblée, c'est l'option prise dès le départ : le diocèse a refusé d'entreprendre une restructuration qui ramène l'essentiel de la vie chrétienne autour du prêtre, placé à la tête de l’ensemble. Le pasteur aurait pu rayonner et garder la main sur tout ce qui se vit sur le territoire qui lui est confié. Déjà en 1998, Mgr Rouet affirmait que « la communauté locale n’a pas à être formée autour d’un prêtre ». Aujourd’hui, il est encore plus clair : « On ne remplace pas un prêtre par un ou des laïcs, surtout dans des structures pensées par des prêtres, faites pour eux, dirigées par eux. » (p. 28.) Il fallait absolument éviter de cléricaliser les laïcs impliqués dans cette refondation. Une véritable révolution copernicienne décrite ainsi par Mgr Rouet : « Passer de l'état de laïcs qui tournent autour du prêtre "pour aider monsieur le curé" en adjoints dévoués et effacés,  au statut de communautés réelles, responsables, avec un prêtre à leur service... » (p. 35.)  Il y a un mois, dans une interview à l’AFP, Mgr Rouet persiste et signe : Il faut repenser le rôle du prêtre. » 

Concrètement ? Mgr Rouet identifie trois charges principales : « que la foi soit enseignée, que la prière soit assurée et la charité exercée ». Deux autres fonctions s’y ajoutent. Pour qu’il y ait Église, il faut aussi quelqu’un qui s’occupe des tâches matérielles et quelqu’un pour animer l’équipe et lui permettre de travailler ensemble. Donc une équipe de cinq responsables, (femmes et hommes laïques) est nécessaire pour qu’une communauté chrétienne de base se prenne en charge, vive et se développe. Dix à vingt autres personnes se joignent à l’équipe et apportent leur collaboration.

Des « ministères reconnus » sont conférés par l’Évêque aux cinq responsables. Le ministère ordonné y trouve aussi toute sa place : un prêtre accompagne les communautés de base d’un secteur donné mais laisse à chacune de se prendre en charge. Ainsi, un travail collectif dans la confiance partagée et une tâche commune redonnent l’espérance à de nombreux laïcs baptisés qui se découvrent capables de s’organiser et de prendre des initiatives. Voir toute la présentation sur le site du diocèse de Poitiers .

Soulignons que la mise en place d’un si grand projet pastoral ne va pas de soi. Cela requiert un ensemble cohérent et efficace, une solide articulation des diverses responsabilités, des processus dynamiques de communion et de formation sans oublier l’importance accordée à une culture de l’appel, bannissant les peurs et les culpabilités. Il faut aussi y mettre le temps. L’installation des communautés avance au rythme des personnes. Les communautés locales ne sont pas exemptes de difficultés. Tout n’y est pas facile tous les jours. Mais 300 communautés de ce type existent déjà actuellement dans le diocèse de Poitiers.

Et de même que la communauté devient plus centrale que le prêtre, tout ce travail ne peut pas être le travail ni même l’intuition d’une personne isolée, aussi charismatique soit-elle. Ce livre également est une œuvre commune : il est rédigé par Mgr Rouet mais aussi par Éric Boone, laïc théologien, Gisèle Bulteau, laïque chargée de l'accompagnement des communautés locales, le P. Jean-Paul Russeil, vicaire épiscopal et le P. André Talbot, directeur du Centre théologique de Poitiers. Avec les responsables des communautés locales, ils se sont tous fortement impliqués dans une recherche audacieuse pour que l'Église qui est à Poitiers ait un autre visage.

Mgr Rouet termine en soulignant que c'est à travers des petites choses et une place différente des prêtres[2] que l'Église prend un autre visage : un peuple de Dieu qui ose créer, innover, une communauté locale souple qui se laisse dynamiser par le souffle de l'Esprit.

Une salutaire provocation à regarder la réalité pastorale en face, à mener une réflexion courageuse et inviter à l'audace de la création !


Pierre Collet (Hors-les-murs)

Notes :
[1]  Un nouveau visage d'Église. L'expérience des communautés locales à Poitiers, par Albert Rouet, Eric Boone, Gisèle Bulteau, Jean-Paul Russeil, André Talbot, Paris 2005, ed. Bayard, 250 pages - 15,90 €.
[2]  Le cas de la France en cette année 2006 : il y a 16 800 prêtres en activité ; près de 5000 d’entre eux auront atteint 75 ans avant 5 ans et il y a moins de 100 ordinations par an. A ce train-là, ce sont 90 % des prêtres quittant le service qui ne sont donc pas remplacés…



retourner dans l'article


webdesign bien à vous / © pavés. tous droits réservés / contact : info@paves-reseau.be

Chrétiens en Route, Communautés de base, Démocratie dans l'Eglise, Evangile sans frontières, Hors-les-murs HLM, Mouvement Chrétien pour la Paix MCP, Pavés Hainaut Occidental, Sonalux