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"Tempête dans le bénitier" institutionnel à Tournai

Chronique... Un rêve

Jean-Marie Boudart
Publié dans CEM n°73 (1/2007)

Ce vendredi 1er décembre 2006, Paul Scolas, vicaire général arrivant pour la réunion du conseil épiscopal, apprend de l'évêque Guy Harpigny que sa fonction est terminée... Sans autre préambule ni dialogue... Il en est de même pour Frédéric Blondeau, bras droit de Paul Scolas, qui a mis en place toute l'infrastructure de communication du diocèse. Parmi beaucoup d'autres réactions, nous vous en proposons une qui invite à penser, voire à rêver... à une Église autre...

 

Petite histoire d’un évêque, Guy.

Il  a reçu de l’évêque de Rome, le pasteur universel, la mission d’accompagner les chrétiens de l’Eglise locale de Tournai.

Cette mission ne peut être menée qu’avec une âme de pauvre et non avec une main de fer, car c’est le Saint Esprit de Jésus que Guy a reçu pour cette mission.  Dommage qu’il ait été choisi, non par le peuple de la province du Hainaut mais par le pape, évêque de Rome qui lui a signifié sa fonction par un nonce c’est à dire un diplomate  du Vatican.  Remarquez que ces termes sont absents du Livre des Actes, l’histoire de la fondation de l’Eglise, la grande famille de celles et de ceux qui se réclament de Jésus de Nazareth.

Guy  a commencé son boulot dans un diocèse déjà bien en avance dans les divers services de la mission. Des  gens étaient déjà mis en route, lancés avec enthousiasme pour l’évangile : des chrétiennes et des chrétiens engagés, des revues ouvertes sont propagées et lues avec avidité, des signes tout plein d’espoir, des responsabilités  sont partagées, dont les assemblées du dimanche sans prêtre avec un échange sur l’évangile et la vie concrète.

Le souci des « sans » dans le diocèse est prioritaire : les sans maison, sans papiers, sans  écoute, sans tendresse ! Quelques années à peine avant son arrivée un spectacle a eu lieu dans de nombreux endroits du diocèse : « Liberté ! Levez-vous ! » C’était génial.

Mais voilà !  Peu à peu, est-ce dans sa tête ou des directives venues d’en haut, l’évêque veut normaliser sa charge de gouverner le diocèse. Bizarre, ce terme de « gouverner », il est absent des Ecritures.  D’accord pour la communion au Pasteur universel mais l’hypercentralisation romaine un foutoir ! La décision de Guy, c’est probablement dans la ligne imposée par Rome, la Centrale non syndicale !

Lors d’un matin automnal, juste avant le conseil épiscopal, - le conseil dit « des sages »  - ; l’évêque annonce  la réforme de l’exercice de son ministère dans le diocèse et applique immédiatement sa décision de limoger son vicaire « général » (le terme  sent un peu la hiérarchie militaire ), mais passons. Donc Guy  liquide Paul sans aucun dialogue, ni interpellation, ni avis de son diocèse. Et en même temps, un père de famille qui est moderne, ouvert et très proche de l’évangile est aussi licencié.

Incroyable ! Sa décision suscite un tollé. Un coup de tonnerre. Les chrétiennes et chrétiens du diocèse ne sont pas des enfants de chœur.  Les prêtres ne sont pas des bénis oui ! oui !  Ce sont des adultes, avec un cœur d’enfant peut-être, c’est  toujours plus humain que trop d’intelligence. Toutes et tous  sont révoltés.  Certains pleurent. Des tonnes de mails, de lettres et des protestations arrivent à la grande maison de la place de l’évêché à Tournai. La secrétaire est dépassée par l’évènement.

 

(Ici malheureusement commence ce qui n’est qu’une fiction…)

 

Guy ne dort plus. Insomnies. Il prie dans sa superbe chapelle. Mais suffit-il de prier dans une telle situation ? L’option de la seule prière ne serait-elle pas un paradigme du Moyen Age ?

Après quelques jours de combat intérieur, Guy décide d’aller voir les copains en question. Pas possible d’aller en bicyclette. Le temps est mauvais et l’évêque est fatigué de ses nuits  sans sommeil.

Il va d’abord à Saint Symphorien. Il sonne chez Frédéric. Un petit garçon vient ouvrir.

«  Qui êtes-vous ?  »

« Je suis Guy, l’évêque… »

« C’est quoi un évêque ?  »

«  Je t’expliquerai mais tu connais déjà saint Nicolas ?  Veux-tu bien appeler ton papa ? »

La maman du petit vient.  Elle l’invite à entrer  non sans étonnement. La table est mise pour le repas.  Frédéric est souffrant. Il a été obligé de prendre du repos ayant subi un choc terrible ! 

Après un moment Frédéric s’amène. Stupéfié.

Il y a eu un lourd silence. Très lourd. Long comme un siècle !

« Pourquoi une telle réaction ? » demande Guy.

Et Fred répond d’une voix humble et forte : «  Guy, tu te crois investi de la conception de leadership de droit divin.  Ta tâche pastorale n’est pas supérieure à celle des autres disciples. Ta décision suscite inévitablement un rapport de force car il n’y a plus de consensus. Il est normal que tu aies un pouvoir, c’est vrai dans toute institution, mais dans ta mission, il s’agit d’un service. Pour  nous en sortir et rétablir la confiance des chrétiens, tu dois stopper un rapport de force théocratique pour une voie de conciliation démocratique… »

Silence.

Ils mangent ensemble, boivent un verre de vin, breuvage qui s’améliore avec l’âge… Ensuite, Guy propose d’aller rencontrer Paul.

«  Si tu t’appelais Pierre, ça rappellerait des souvenirs,  murmure Frédéric, Pierre et Paul, les Actes, tu te souviens ?  L’universalisme et pas la fermeture. Les Communautés n’avaient qu’un cœur et qu’une âme. Ils mettaient TOUT en commun ».

Et ils arrivent à Villers St Ghislain. Ils sonnent au N° 42 de la rue Jules Beresse. Paul ouvre. Il est consterné.

« Entrez ».  Un temps de silence démesurément long.

Ils se sont tus longuement... Un silence tellement lourd  qu’il est étourdissant comme un vacarme !

Après ce long moment d’intériorité, les langues se sont déliées comme lors d’une pentecôte.  Il y a eu un courant d’air. Ils se sont écoutés  mutuellement et  essayés de se comprendre. La Foi, n’est-ce pas faire confiance ? Et la bonne foi, n’est-ce pas croire en l’autre ?

Ils se sont aperçus qu’en livrant sereinement le contenu de leur conscience, sans cacher leurs doutes  par rapport aux vieilles formulations et aux pratiques autoritaires, ils libèreraient des personnes et leur ouvriraient des chemins où on retrouve la belle liberté de Jésus

« Je souhaite que la liberté de conscience et le droit au désaccord soient reconnus jusque dans le domaine des croyances. Je ressens un puissant appel d’air et rencontrerai avec bonheur la diversité des opinions ! », a murmuré  l’évêque Guy.

Ils  étaient très émus et percevaient ensemble la nouveauté de la Bonne Nouvelle. Une invention de vie va se produire au coeur des villes et des villages du diocèse. Ils mettront en priorité la passion de la justice, seul chemin d’un amour vrai. Ils prendront les initiatives de la confiance qui ranimeront le ferment de l’Evangile. Le dialogue l’emportera et la rupture avec la loi du plus fort donnera naissance.

Ils  sont  montés dans la bagnole de Guy. Frédéric a mis une cassette de Pierre  Rapsat … « Ensemble, Ensemble… ».

Et tous les trois sont revenus à Tournai dans la grande maison. Ils ont appelé toute l’équipe, les collaborateurs, c'est-à-dire ceux qui travaillent avec et qui normalement, répercutent les appels et les questions des  gens. Les mails  ont été rétablis pour envoyer des messages d’Espérance.

L’évêque Guy  s’apprête déjà à rédiger une lettre pour rappeler son droit à l’erreur avec la promesse de ne plus confondre le pouvoir et le service.

Plus jamais.

Et les cloches de la cathédrale ont sonné  à toute volée les airs joyeux des jours de fêtes.

Pour certains, cette chronique semblera un peu « cloche » ! Mais je la communique quand même car la cloche en question a quelques  belles harmoniques…Non ?  11.12.2006

Jean-Marie Boudart (Communautés de Base)


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