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Quand le virtuel devient réalité !

Philippe Liesse
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Le 13 janvier 1995, Jean Paul II retirait à Jacques Gaillot le charge du diocèse d'Evreux. Il le nommait à Partenia, diocèse disparu sous les sables du Sahara depuis le 5ème siècle. Jacques Gaillot a relevé le défi de cette nomination. Partenia a repris vie, en devenant virtuel et planétaire. Sans le savoir, et encore moins sans le vouloir, l'autorité a ouvert une brèche extraordinaire pour l'avenir de l'Eglise. En destituant Jacques Gaillot, elle a redonné vie à une voie, qu'elle voulait de garage, et elle a permis de montrer qu'il y a de nouvelles manières de faire Eglise.

Il était reproché à Jacques Gaillot de porter atteinte à la communion ecclésiale. La logique cléricale voulait qu'il soit évincé. En effet, cette logique cléricale, que le pouvoir confond pour les besoins de la cause avec la communion ecclésiale, ne fait que très peu de cas de la liberté d'opinion et encore moins d'expression.

Jacques Gaillot vivait du souci tout évangélique d'aller à la rencontre de ceux qui sont en marge de la société et de l'Eglise, mais pour ce faire, il devait emprunter les chemins de traverse. Mal lui en prit ! Il quittait les autoroutes labellisées qui assurent sécurité et confort. S'il se perd, qu'il ne perde pas l'Eglise !

Lorsqu'on demande aujourd'hui à Jacques Gaillot ce qu'il retient de cette éviction, il cite, entre autres choses, ceci : " L'Eglise m'a rendu le service d'être proche de ceux qui sont tombés dans l'exclusion. Si elle n'a pas eu à mon égard une attitude évangélique, elle a réussi à me mettre dans une attitude évangélique… J'estime providentielles les évolutions actuelles qui nous provoquent à revenir à un évangile de liberté, à découvrir d'autres façons de vivre, à mettre en œuvre la non-violence, à être capables de renouveau. Faire jaillir des sources est plus important que d'aménager des structures."

La destitution de Jacques Gaillot a donné naissance à des mouvements divers. Il y a ceux qui se sont réjouis et ceux qui se sont révoltés. Entre les deux, il y a le lot de tous ceux qui se sont composés un visage saint-sulpicien de manière à ne pas devoir montrer ouvertement leur envie d'applaudir ou de siffler. Ainsi, un évêque belge a déclaré qu'il ne pouvait pas et ne voulait pas intervenir dans les affaires d'un autre diocèse. Un deuxième évêque belge a déclaré que la division était toujours une souffrance pour l'Eglise, qu'il fallait se méfier du "diabolos", celui qui divise, qu'il fallait prier !

Dans le camp des révoltés, il y a ceux qui se sont battus et qui se battent encore pour la restauration de Jacques Gaillot. Mais il y a aussi ceux pour qui il a été le catalyseur du mécontentement, le symbole du Concile Vatican II essoufflé et tombé aux oubliettes. Certains espéraient sans doute qu'il devienne l'évêque d'un nouveau mouvement, mais Jacques Gaillot refuse d'être un gourou ou de jouer hors d'une Eglise à laquelle il veut rester fidèle.

Les différents groupes Partenia trouvent naturellement leur voix dans l'écho d'une Eglise qui se cherche et se pense en réseaux plutôt que dans un schéma hiérarchique, mais rien ne se fait sous la houlette ou sous la dépendance de Jacques Gaillot. Dans ces groupes, véritables "cellules d'Eglise" selon l'expression d'après Vatican II, les valeurs ne sont pas téléguidées par une autorité; c'est l'amitié et la confiance mutuelle qui jouent le rôle de fil conducteur. Mais l'amitié et la confiance, si généreuses soient-elles, ont besoin d'un minimum de structure. Personne ne le nie ! Il faut seulement que cette structure soit un vrai service et non un instrument de pouvoir. Il y a donc tout un travail d'apprentissage de pratiques démocratiques pour que viennent au jour de nouvelles manières de faire Eglise.

Lorsqu'on demande à Jacques Gaillot ce que devrait faire l'Eglise pour attirer davantage les gens, il répond que l'Eglise n'est pas faite pour attirer, mais pour aller à la rencontre : "Il est important de rejoindre les femmes et les hommes, là où ils sont, là où ils vivent, là où ils luttent, là où ils aiment."

Le diocèse de Partenia n'est pas virtuel. Il est partout ! C'est déjà une autre manière de faire Eglise !

Philippe Liesse

Notes :
10 avril 2005


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