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Guerre en Ukraine

Les auteurs de la Lettre Ouverte répondent aux critiques

Henk Baars & alii
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues

En juin dernier, l'association pacifiste Kerk en Vrede a publié la Lettre Ouverte "Avant qu'il ne soit trop tard". Les rédacteurs et les 29 signataires critiquent la politique néerlandaise et celle des partenaires de l'OTAN à l'égard de la guerre en Ukraine. Selon les auteurs de la lettre, l'accent dans cette politique est mis totalement sur l'armement et très peu sur la recherche de moyens de désescalade. La Lettre ouverte a rencontré des éloges, mais aussi de vives critiques. Voici une réponse des auteurs.


A tous ceux qui ont répondu de quelque manière que ce soit à la Lettre Ouverte "Avant qu'il ne soit trop tard" sur la guerre en Ukraine, Pentecôte 2022.

24 juillet 2022

Chers,

En tant qu'initiateurs de la Lettre ouverte sur l'Ukraine, nous vous écrivons en réponse aux réactions reçues.

Nous avons lancé la Lettre ouverte car nous étions préoccupés du manque de voix dissidentes dans le débat public sur la guerre. C'est toujours le cas. Les journaux ne publient que sporadiquement des articles critiquant la politique menée. Ce qui est le plus inquiétant, c'est qu’il est très facile de garder les positions choisies dans ce débat, sans répondre aux questions auxquelles il faut répondre de manière très urgente, et avec peu de doutes. Et ce chemin conduit maintenant à de plus en plus de souffrance humaine, de chaos et de destruction, alors qu'il n'est pas clair du tout vers où et quand ils s'arrêteront et à quoi ils serviront.

Dans cette lettre, nous traiterons d'un certain nombre de réactions. Nous ne fournirons sans doute pas une réponse complète à toutes les questions et objections. Mais de cette manière, nous pouvons essayer de dissiper tout malentendu au sujet de la Lettre ouverte et, une fois de plus, sous une forme un peu plus étendue, exprimer notre inquiétude quant à l'évolution de la guerre et de la politique des Pays-Bas et des pays occidentaux.

Dans diverses réactions négatives à la Lettre ouverte, nous avons l'impression que le simple fait de poser des questions critiques sur la politique occidentale sur la guerre en Ukraine signifie que l'invasion de l'Ukraine et le rôle de Poutine dans celle-ci seraient tolérés. Alors qu'à notre avis, il est important dans tous les cas où une guerre est menée que des questions critiques soient posées. Nous ne pensons pas avoir le monopole de la sagesse et nous ne connaissons pas non plus la solution. Mais la voix de la dissidence, à notre avis, doit être entendue pour empêcher les peuples, les nations, de tomber dans ce piège de croire aux armements et à la violence comme solution aux conflits. Alors que la violence appelle toujours la contre-violence et peut conduire à une escalade dont on ne peut plus prévoir les conséquences. Et tout cela dans un monde où on n’a toujours pas renoncé aux armes nucléaires et à leur utilisation. Une voix dissidente telle qu'exprimée dans notre Lettre Ouverte, entendue et prise au sérieux, peut, espérons-le, contribuer à créer une atmosphère de réflexion, d'ouverture à d'autres possibilités, pour des moments qui offrent une vision d'ouverture créative.

Nous sommes heureux des réactions des personnes qui nous ont remerciés d’avoir fait entendre ce son de cloche "différent". On oublie parfois que nombreux sont ceux qui questionnent et critiquent la politique menée, qui n'ont pas la possibilité de se faire entendre, ce qui provoque un sentiment d'impuissance. Nous nous sentons soutenus par leurs réactions.

Les initiateurs de la Lettre ouverte sont issus (du cercle de) l'association Kerk en Vrede. Kerk en Vrede (fondée en 1924) a une longue tradition de remise en question de l'utilisation de la violence et de la croyance en ses effets bénéfiques. Et une tradition d'examen critique du rôle des Pays-Bas et de l'Occident dans le développement des guerres (car c'est là que réside notre responsabilité première). Critique du militarisme et critique sociale ensemble. Et un engagement pour d'autres formes de résilience : « la résilience non-violente comme nouveau modèle de lutte contre l'injustice » comme le disait l'un de nos dirigeants. Plusieurs d'entre nous étaient membres de l'association Christenen voor het Socialisme dans le passé, et quelques-uns d'entre nous étaient membres du CPN (Parti Communiste Néerlandais). Pour eux, cela avait tout à voir avec leur tradition de poser des questions critiques sur l'injustice. Le fait que ce dernier soit désormais utilisé dans une réponse pour suspecter les signataires de la Lettre ouverte et les déclarer propagandistes de Poutine est le signe à la fois de sérieux revirements de pensée et de mauvais goût. Nous n'irons pas plus loin.

Nous voudrions en dire un peu plus ici sur l'accusation selon laquelle nous sous-estimons Poutine ou justifions ses actions. Les personnes qui, avant et après la Seconde Guerre mondiale, ont souligné le rôle pervers du Traité de Versailles dans le développement de cette guerre, n'ont jamais été appelées des soutiens de Hitler. Nous ne sommes pas « des soutiens de Poutine », mais nous essayons de comprendre comment la Russie a envahi l'Ukraine. Cela n'est pas sorti de nulle part, mais était le résultat d'un conflit de longue date entre la Russie et l'Occident. Nous ne sommes pas seuls à utiliser cette approche. Ces autres voix, cependant, ne parviennent pas à s’exprimer dans les médias.

Nous ne disons pas non plus que l'Ukraine ne doit pas se défendre. Nous avons clairement indiqué que l'invasion russe était une violation du droit international et que la Russie est donc l'agresseur. Nous sympathisons avec les victimes de la guerre. La guerre est par définition terrible et affecte les gens sans discernement, indépendamment de ce qu'ils pensent du conflit. C'est précisément pourquoi nous nous inquiétons de la facilité avec laquelle la guerre est justifiée comme moyen de régler le conflit. Par exemple, qu'est-ce que ça veut dire quand on dit que l'enjeu de la guerre est que l'Ukraine gagne la guerre ? Nous nous reconnaissons dans les propos de Rob de Wijk (expert militaire) à Trouw du 10 juin : « Les temps de guerre et de crise sont des temps privilégiés pour des phrases vides de sens. Il y a quelques semaines à Bratislava, nous avons entendu la présidente de la Commission européenne Mme von der Leyen et d'innombrables premiers ministres et ministres parler de "victoire" en Ukraine. Mais déjà pendant le discours, les experts se demandaient comment le président Zelensky était censé reconquérir 1300 km2 de territoire conquis avec des forces armées épuisées. Juste avant, on l'avait entendu dire que chaque jour 100 soldats sont tués et 450 à 500 blessés. Aucun pays ne peut soutenir cela indéfiniment. " Des faits comme ceux-ci forment l'arrière-plan de notre lettre.

Une lettre ouverte, cependant, n'est pas une analyse mais une déclaration, courte et directe. Pour la situer, nous résumons à nouveau ce qui nous préoccupe : la lettre n'est ni pro-Poutine ni anti-Ukraine, mais s'oppose à une triple myopie dans la réponse européenne à la tragédie en Ukraine :

- myopie sur le passé : la guerre a une (longue) préhistoire ; 

- myopie sur le présent : la guerre cause des dégâts humanitaires imprévisibles et inimaginables, des flux de réfugiés, la mort et la mutilation de nombreux jeunes, principalement sur le champ de bataille, et des décennies de traumatismes ; 

- myopie pour l'avenir : il n'y a pas de discussion sur la manière de procéder.

L'UE risque de devenir le jouet du jeu géopolitique des États-Unis, dans lequel la Russie joue un rôle de soutien et la Chine un rôle de plus en plus important. La distinction entre l'OTAN (un pacte militaire dirigé par les États-Unis) et l'UE (une alliance socio-économique) s'estompe. Il est en outre fatal que le conflit soit ainsi idéologisé. Un accord entre les parties concernées devient alors impossible. Le point de vue est qu’il n'y a pas de négociation ou de coopération avec les autocraties. Mais dans ce schéma imaginaire, on oublie commodément les guerres des vingt dernières années en Afghanistan, en Irak et en Libye. Les alliances avec l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar prouvent que l'Occident aime coopérer et commercer avec les autocraties. En s'approvisionnant en carburant de ces pays, l'Occident soutient également ces régimes autocratiques. De plus, l'oligarchie n'est pas seulement l’apanage de la Russie, mais aussi d’un certain nombre de pays mentionnés et aussi de l'Ukraine.

De plus, en Occident, la politique économique (commerciale) et la politique de sécurité s'entremêlent de plus en plus dans le mauvais sens. On perd de vue le fait que ceux qui veulent être en sécurité doivent poursuivre une politique de paix cohérente et indépendante, en s'appuyant sur les traités antérieurs et les institutions internationales de sécurité telles que l'ONU et l'OSCE. La politique économique doit être cohérente avec cela. Le fait que le parlement néerlandais ait décidé en fin d'après-midi d'acheter de nouvelles armes, dont les F35, est tout simplement choquant. Il n’y a pas de processus décisionnel démocratique bien pensé et orienté vers une stratégie de paix. On dirait que toutes les réflexions et toutes les évaluations sont éliminées.

Enfin, nous nous référons au dossier récemment publié sous les auspices de Kerk en Vrede, Stop au Commerce des Armes et au Groupe de Travail Sécurité Inclusive : « Vous devez construire la paix ». Portons notre attention sur la description des mécanismes de la propagande des parties en conflit que l'on voit surgir partout. (Voir : Vous devez construire la paix .)

Une citation du dossier : « Pour prévenir de nouvelles catastrophes climatiques, tous les pays doivent travailler ensemble. Sans la Russie et la Chine, nous ne résoudrons pas les problèmes climatiques et environnementaux. Poutine n'a pas facilité les choses avec son invasion de l'Ukraine. Mais nous devons le faire, nous n'avons pas d'autre choix. La crise climatique n'attend pas.

Cordialement,


Henk Baars & alii (Kerk en Vrede - Nederland)

Notes :

Signataires :


Henk Baars
Dick Boer
Harm Dane
Bram Grandia
Harry Pals
Piet Vliegenthart
Greetje Witte-Rang


Pour le texte de la Lettre ouverte originale et un commentaire de l'esprit sur celle-ci, voir : Enfin un autre son de cloche que la rhétorique de guerre .


 




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