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Quel avenir pour le christianisme ?

Philippe Liesse
Publié dans Bulletin PAVÉS n°72 (9/2022)


La fin de la chrétienté, de Chantal DELSOL

Ed. du Cerf 2021, 176 pages

Chantal Delsol est une philosophe écrivaine française. Elle fonde l’Institut Hannah Arendt en 1993 et devient membre de l'Académie des sciences morales et politiques en 2007. 

Dans son livre La fin de la chrétienté, elle parle de la fin de seize siècles de chrétienté. Elle défend l’idée que notre époque fait l’expérience d’une inversion.

Cette inversion « normative et philosophique » nous offre une photo en miroir de ce qui s’est produit au début de l’ère chrétienne lorsque les païens furent dépassés par ce mouvement qui venait les percuter de plein fouet, à savoir le mouvement chrétien.

Aujourd’hui, après une longue période de domi-nation du monothéisme chrétien, Chantal Delsol parle d’un retour au mo-dèle du paganisme. Cela peut se vérifier surtout dans l’ordre moral. Si le monothéisme chrétien a donné naissance, il y a seize siècles, à de nou-velles mœurs, l’Église se présentant comme gestionnaire des normes morales, un mouvement inverse s’opère aujourd’hui car l’homme moderne ne croit plus aux vérités énoncées par ce monothéisme chrétien. D’autre part, poursuit la philosophe, une crise de conscience frappe l’Occident au point que les principes chrétiens sont remis en cause par les chrétiens eux-mêmes. Nous sommes confrontés à une nouvelle donne, à un nouveau corpus de paraboles qui se manifestent principalement dans l’humanitarisme et l’écologisme. L’Église n’est plus gardienne de la morale, c’est l’État qui a pris la relève.

Une autre manifestation de cet amenuisement de la croyance en une vérité unique, c’est le retour des spiritualités qui viennent d’Asie.

Chantal Delsol montre bien les dispositifs d’autodéfense qui animent certains cercles de la Chrétienté. Son constat est incisif et rigoureux, mais il reste partiel pour le chrétien.

En effet, même si Chantal Delsol constate la Fin de la Chrétienté, en tant que civilisation qui a régi le monde occidental pendant des siècles, elle ne veut pas en conclure que le Christianisme est perdu. Elle veut simplement inviter les catholiques à cultiver les aptitudes des minorités, dont la principale est la persévérance : « Non pas produire des sociétés où l’Évangile gouverne les États, mais plutôt, pour reprendre le mot de Saint-Exupéry, marcher tout doucement vers une fontaine. »

Si le travail de Chantal Delsol est un constat incisif et rigoureux, il reste cependant partiel pour le chrétien. En effet sa description est celle d’une chrétienté sans christia-nisme. La philosophe ne fait aucune référence aux paroles et à la vie de Jésus. Quand elle parle des prescriptions morales des premiers siècles, elle semble ignorer ou oublier que celles-ci découlent d’une Bonne Nouvelle qui voulait proposer un nouvel espace plutôt que de codifier une série de prescriptions. Ce nouvel espace était celui du primat de la fraternité.

Même si le monde de la chrétienté a comploté avec le pouvoir et l’argent, même s’il montait en première ligne à l’occasion de guerres souvent fratricides, de multiples petits groupes de chrétiens ont voulu attester leur attachement au message évangélique en mettant en avant leur souci de charité et de solidarité. Il ne faut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Il faut changer l’eau. C’est ce qui fait dire à Bruno Mori que l’abandon de la religion est indispensable.

*

Pour un christianisme sans religion, de Bruno MORI

Ed. Karthala 2021, 315 pages

Voici le travail d’un théologien et philosophe d’origine italienne, qui s’est installé au Québec depuis des dizaines d’années.

Comme Chantal Delsol, il passe en revue ce que le catholicisme a développé depuis le IVe siècle. Il cite les mythes chrétiens – le péché originel, le Dieu-Trinité, le mythe de la Rédemption et son corolaire, le mythe de la rancune de Dieu – pour les passer à la moulinette et leur rendre la place qu’il mérite, à savoir celle de « construction de l’esprit dénuée de réalité ».

Il fait ensuite une analyse acerbe de la place occupée par la religion chrétienne dans la modernité en soulignant le danger qu’elle peut représenter : Les religions demeurent importantes aussi longtemps qu’elles produisent cohé-sion, collaboration, fraternité et paix dans une société et parmi les peuples. Cependant, elles peuvent facilement se transformer en des calamités, si elles deviennent causes d’antagonismes et de rivalités. […] Dans les annales de l’histoire de l’humanité, cela constituerait un chapitre d’un humour tragique, presque burlesque, si l’on devait un jour y relater que la race humaine a disparu de la face de la terre parce que les humains du XXI’ ou XXII’ siècle n’ont pas été capables de s’unir pour sauver leur Planète de la catastrophe à cause des croyances religieuses qui les divisaient et les opposaient. Le comble de l’ironie consisterait alors dans le fait que les religions, nées pour sauver les hommes, auraient été, en réalité, la cause de leur perte.

L’auteur poursuit sa recherche en insistant sur le fait que le mouvement spirituel engendré par la prédication de Jésus – les Actes de Apôtres parlent de la Voie – a duré trois siècles, mais qu’il a ensuite été perverti par la politique impériale qui a transformé le mouvement en religion d’État.

Il est donc urgent d’abandonner cette religion pour en revenir à ce mouvement initié par Jésus et ainsi retrouver une vraie identité de disciple d’un tel Maître.

La Voie initiée par Jésus est celle d’un Humanisme en action qui va bien au-delà des religions. Le christianisme qui doit en découler, encore aujourd’hui, consiste à croire comme Jésus, à assortir notre existence sur son choix pour l’humanité et à faire nôtre la manière toute personnelle dont il privilégiait la relation au Mystère ultime de la Réalité associée à la détresse de ses créatures.

 […] Le christianisme pourra apporter quelque chose de bien et de bon au monde moderne à condition d’avoir le courage de son identité et l’audace de son authenticité : être la Voie ou le Chemin d’humanisation qu’il est en vérité.

Sortir de la religion, c’est se « mettre en route » pour retrouver une spiritualité authentique, pour retrouver le divin au cœur de l’homme. Le mystère est bien présent, mais au-dedans de nous. Luc Ferry aimait dire que « L'actualité du contenu des Évangiles frappe celui qui fait de l'amour le sens ultime de la vie. » (Luc Ferry, L'homme–Dieu, p  244).

Sortir du caractère religieux traditionnel, c’est se libérer de toutes les « constructions théologiques élaborées » et se mettre à l’écoute du monde. C’est sortir et travailler ce monde pour qu’il devienne tellement humain que chacun s'y sente chez lui, même Dieu. Merci Bruno Mori.


Philippe Liesse


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