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Des œufs de Pâques !

Philippe Liesse
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En cette période de Pâques, nous pourrions déguster un oeuf en chocolat tout en réfléchissant à la signification de Pâques ? Certains chrétiens souligneraient que l’œuf est symbole de vie tout en s’engouffrant dans des théories sur une vie qui se prolonge au-delà de la mort, dans un autre monde qui lui serait perpétuel, dans un repos éternel, dans un retour à Dieu parce qu’il lui a plu de rappeler à Lui sa fidèle servante ou son fidèle serviteur. Toutes des réponses, pour le moins mondaines, qui sentent  le catéchisme ou le dogme, mais qui peuvent laisser un arrière-goût de faim ! En effet, de tous temps, les humains ont utilisé des images pour panser leur peur du néant, pour dire un chemin éclairé par une boussole qui viendrait contrecarrer l’éphémère. Tous nos chants liturgiques sont une preuve manifeste de ce pansement. Ainsi, dans les années 60, nous chantions : "Le peuple de Dieu qui se traîne à travers l’immense désert, a fui l’esclavage et la haine, il s’avance sous un ciel clair. Il va vers la terre lointaine que son Dieu promit aux anciens, où se guériront toutes peines dans un monde calme et serein. Vers toi, terre promise, le peuple de Dieu tend les bras." 

Aujourd’hui, nous chantons à l’occasion de funérailles, des chants qui en disent toujours long sur ce qui anime les communautés : "Sur le seuil de sa maison, notre Père t’attend ou Ajoute un couvert, Seigneur, à ta table, tu auras aujourd’hui un convive de plus."

Mais, si nous sortions des sentiers battus ? Où et quand Dieu attend-il le convive ? Si nous acceptions de réfléchir à cette affirmation de Henri de Lubac à savoir que "l’Évangile est le véritable crépuscule des dieux"  ?

Quand Elie Wiesel parle de son enfance, il dit que sa mère ne lui a jamais demandé, à son retour de l’école, s’il avait donné la bonne réponse, mais s’il avait posé la bonne question !

Et si nous nous efforcions de poser des questions plutôt que de nous échiner à donner des réponses, si nous essayions de partager nos convictions de manière personnelle pour rendre compte de ce qui nous anime ? Car, selon Marcel Légaut : "La vie spirituelle exige le tout de l’homme et, chez les croyants qui en sont capables, la conscience claire de ce qu’ils portent en eux. Aussi, quand cela leur est donné, et ainsi rendu possible, ils doivent témoigner de ce qu’ils vivent en des termes personnels recréés par eux, et non pas seulement se laisser aller à user d’expressions officielles et conventionnelles, par paresse, par respect humain ou par crainte de ne pas correspondre à ce qu’on attend d’eux ecclésiastiquement."[1]

L’épicentre du christianisme s’enracine dans ce qu’on appelle la résurrection ! Mais comment vit-on cette idée selon laquelle, quel que soit notre avenir, ce ne seront pas les vers de terre ou les flammes qui auront le dernier mot !  Quoi qu’il advienne dans ce monde, Dieu ouvre un chemin qui ne sera pas un cul de sac. Ne serait-ce pas dans le quotidien qu’il nous attend ?

 

Mais comment parler de la résurrection ?

Si nous voulons nous confronter à l’Évangile, nous découvrons vite cette puissance extraordinaire de l’événement de Pâques. En effet, les femmes et les hommes qui ont suivi Jésus se sont enfuis à la suite de la condamnation et de la mise à mort de leur meneur pour sombrer dans la déprime, dans la peur, dans l’enfermement sécuritaire ! Et brusquement, pascalement, ils sont à nouveau debout avec un courage et une force de conviction et de certitude qu’aucune souffrance ne peut annihiler ! Il est toujours avec nous, il est Vivant, il est Ressuscité disent les textes du Nouveau Testament. Mais qu’est-ce à dire ? Car les choses sont toujours dites dans une culture donnée et située ! Il est « apparu ». Mais si l’on en reste à une lecture littérale, c’est un autre challenge ! En effet, les récits se contredisent. Paul, qui est Juif et qui est le premier à avoir écrit sur Pâques dit : « Il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures. Il est apparu à Céphas puis aux Douze. Ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois, puis à Jacques, puis à tous les apôtres, et enfin à moi » (1 Cor 15, 1-6).

Chez Marc, il n’y a aucun récit d’apparition, seulement un programme de réunion (Marc 16, 1-8). Tous les exégètes sont d’accord pour dire que les versets 9 à 19 sont une ajoute postérieure à Marc.

Luc parle d’une première apparition à Pierre (Luc 24, 34).

Pour Jean, la première apparition ne se fait pas à Pierre, mais à  Marie de Magdala. Ensuite, ce seront les disciples qui le verront, mais non les Douze puisque Thomas est absent  (20, 34).

D’autres points viennent allonger la liste des contradictions : chez Marc, le messager de la résurrection est un jeune homme vêtu de blanc (Mc 16, 5) ; chez Matthieu, c’est l’Ange du Seigneur, revêtu d’une robe blanche comme l’éclair qui descend du ciel et roule la pierre du tombeau alors que se fait entendre un grand tremblement de terre ; chez Luc (24, 4) et chez Jean ( 20 12), les messagers sont au nombre de deux, deux anges en vêtement blanc.

Les femmes ont-elles vu le Ressuscité au matin de Pâques ? Les  réponses de Marc, de Luc, et de Jean sont négatives tandis que celle de Matthieu est positive.

Devant toutes ces contradictions, nous devons affirmer que le décor relève d’une « symbolique », d’une manière de rendre compte de sa foi, manière inscrite dans une culture donnée, donc limitée. Et la culture dont il est question est une culture « juive ». Car Jésus était juif, il a vécu dans un monde juif, ses disciples étaient juifs. Ainsi, lorsqu’il est dit qu’il est ressuscité le troisième jour, ce déroulement du temps est symbolique. Il n’est pas à comprendre avec une horloge en point de mire. Il est nécessaire de prendre en compte la tradition juive selon laquelle toute vie va disparaître dans la bataille finale d’Harmaguédon. Suite à cette bataille finale, il y a un calme plat qui sévit pendant trois jours, et ensuite à l’aube du troisième jour, le Règne de Dieu descend du ciel pour donner une nouvelle vie !

 

Et comment pouvons-nous rendre compte de notre foi aujourd’hui ?

Peut-être en osant affirmer que la puissance de Pâques ne résident pas dans le « surnaturel » dont les récits d’apparitions transpirent, mais plutôt dans le choix de la vie aujourd’hui, vie tellement forte qu’elle peut prendre un goût d’éternité.

"Si j’osais, je dirais que la résurrection est un parfait "en même temps" : nous sommes affligés dans ce monde et en même temps consolés, relevés par la résurrection déjà à l’œuvre ici. Vous remarquerez qu’il est, disons « facile » de croire à la résurrection dans l’au-delà. Après tout, on ne risque pas grand-chose. Si ce n’est pas vrai, on aura rien perdu, alors allons-y, on verra bien. La question de la résurrection au présent, dans notre vie, c’est une autre paire de manches ! Retrouver le goût de vivre et s’autoriser à éprouver de la joie après un deuil : voilà qui n’est pas simple. Laisser derrière nous les querelles stériles et abandonner le conflit, dussions-nous y perdre certaines prérogatives, simplement pour vivre libre : pas si facile. Et se libérer du mal en pardonnant, pour vivre enfin sa propre vie, et pas celle d’une victime : que la tâche est ardue ! Pourtant, dans chacune de ces situations, je peux choisir la vie."[2]

La résurrection est un parfait « en même temps » !

Que dire au sujet de la résurrection ? Ce n’est pas elle qui est incroyable. L’incroyable est déjà arrivé. Il est dans notre « capacité de vie », celle que nous éprouvons aujourd’hui dans notre existence relationnelle !

Nous ne pouvons que nous poser des questions dont celles-ci : comment se fait-il que nous soyons plongés dans l’existence ? N’est-ce pas un mystère qui ne souffre aucune explication ? Pourquoi moi, être de désir et vivant grâce à d’autres, serais-je rejeté dans le néant, alors que j’en ai été tiré ? Pourquoi la vie, une fois épuisée, ne serait-elle pas « relevée » de la même manière qu’elle a été suscitée ?

La question n’est pas de croire en un autre monde caché derrière le nôtre, mais de « confiance » dans ce qui nous a suscité à l’existence, en vivant de l’espérance que nous ne serons pas abandonnés dans le néant dont nous avons été tirés !

 

Pour le dire clairement, la foi en la résurrection, c’est la confiance en la puissance qui nous tient en vie aujourd’hui.

Mais attention, nous dit Adolphe Gesché dans "Dieu pour penser. La destinée", l’’immortalité est tournée vers un passé qu’il faut conserver ou améliorer, alors que l’éternité est tournée vers un « avenir », vers un inconnu, vers une véritable nouveauté.

Il ne faut donc pas interpréter tout ceci en termes d’immortalité, comme si nous voulions conserver quelque chose du passé qui échapperait à la mort !

 

Jésus était animé par une confiance totale en cette source qu’il appelle son « Père ». C’est cette confiance qui lui a fait adopter une manière de vivre qui éveillait la vie en chaque rencontre.

Ne serait-ce pas la puissance de qui nous tenons la vie (qu’il appelle « Père ») qui a fait en sorte qu’il n’en reste pas là ? Ne lui a-t-il pas rendu justice en « l’ajustant à Lui » pour fixer de manière définitive la victoire sur le mal et la mort ?

Aucune preuve, aucune théorie ! Seulement une question, une petite ouverture, un petit point lumineux dans la ténèbre !

Pâques, une fête  qui sent bon le printemps de la Vie !

 


Philippe Liesse

Notes :
[1] Marcel Légaut, Lhomme à la recherche de son humanité

[2] Emmanuelle Seyboldt dans Floriane Chinsky - Kahina Bahloul – Emmanuelle Seyboldt, Des femmes et des dieux, Les Arènes, 2021






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