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Adieu à Vittorio Bellavite

(1938-2023)

Mauro Castagnaro
Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues


 

Aujourd'hui, nous sommes tristes. Vittorio nous a été enlevé trop soudainement. Et moi qui, au cours des vingt dernières années, ai peut-être été son plus proche collaborateur dans son principal projet, l'association Nous Sommes Église, et qui ai partagé avec lui de nombreux voyages à l'étranger à l'occasion de réunions des réseaux internationaux auxquels nous adhérions et de Forums sociaux mondiaux, je suis très triste. Je n'étais pas préparé à sa mort !

Cependant, une partie de moi me dit que je ne devrais pas être triste, que nous ne devrions pas être tristes. Non seulement parce que, pour ceux qui sont chrétiens, comme Vittorio l'était de manière passionnée et profonde, il est maintenant dans la plénitude de l'amour de Dieu, mais parce que sa vie terrestre a été intense, féconde, pleine de rencontres, de relations, de rêves, de projets, bref, ce fut une belle vie ! J'ose croire que Vittorio était une personne heureuse.

Tout d'abord, parce que ce fut une vie passée du bon côté, du côté des opprimés, des exclus et de la lutte pour leur libération et leur émancipation, à partir d'une foi vécue avec un tel naturel qu'elle n'a jamais eu besoin d'être affichée ou niée, dans un engagement civil et politique cohérent et infatigable. Ensuite parce qu'elle a été élevée dans une famille qui faisait penser à l'homme béni du Psaume 128 : "Ton épouse comme une vigne féconde dans l'intimité de ta maison, tes enfants comme des plants d'olivier autour de ta table" : Pinuccia, la compagne de vie, ceux qu'il appelait, d'un terme un peu curieux pour moi, "mes petits enfants", et les petits-enfants à la pensée desquels il se laissait aller à un rire narquois "sans si et sans mais" ou dont il me parlait longuement (je me souviens notamment de Miriam à je ne sais plus quel aéroport, il y a quelques années). Enfin, parce qu'elle avait tant de passions, qu’elle aimait, me dit-on, la montagne et les marathons, et je sais aussi la botanique ou les éditions anciennes de la Bible.

Vito Nocera a utilisé ces jours-ci des mots pour Vittorio qui m'ont semblé très justes : "Son radicalisme était tolérant et inclusif. Il alliait une rigueur absolue à un bon sens inné". C'est ainsi que je l'ai connu, moi aussi, dans les nombreuses réunions où il disait et défendait toujours sa propre pensée, mais sans jamais se laisser aller à une réaction irréfléchie et encore moins à une attaque personnelle, même lorsqu'il était l'objet de critiques peu généreuses ou injustifiées ; il était cohérent, mais pas intransigeant ; il savait aller à contre-courant, mais avec douceur. Et j'ai été frappé par la mort, le 12 avril, de Jacques Gaillot, le courageux et humble évêque d'Évreux, destitué en 1995, que Vittorio lui-même avait invité à Milan et accueilli chez lui.

Vittorio alliait une profonde culture, qui lui permettait une solide élaboration intellectuelle, à une grande capacité d'organisation, qu'il traduisait par un travail peu visible et patient de tissage des relations ; il avait un regard large et long, qui lui permettait de proposer des projets audacieux, mais il ne dédaignait pas le travail concret, de sorte que tout en préparant des analyses détaillées sur la réalité ecclésiale, il portait littéralement sur ses épaules les livres et les tracts du mouvement à diffuser.

Tout cela, ajouté à sa sobriété et à sa générosité personnelles, faisait de Vittorio un leader naturel, mais rien ne lui était plus étranger que de se promouvoir lui-même. Vittorio a été un protagoniste de l'histoire ecclésiale et politique des 60 dernières années, mais exempt de toute forme de promotion personnelle, souvent dans des rôles de leadership, mais toujours assumé par sens des responsabilités, sans même un soupçon de ce narcissisme qui est assez fréquent même dans les petites organisations. Je ne l'ai jamais vu faire quoi que ce soit (un geste, une parole, une intervention) qui puisse, même de loin, viser à obtenir une reconnaissance, un rôle, une position, un avantage personnel. La lutte pour le pouvoir (grand ou petit) non seulement ne l'intéressait pas, mais lui était totalement étrangère ! Son engagement était le fruit d'une fidélité authentique à ses idées, à la cause (Vittorio Agnoletto parlait affectueusement de "naïveté", je préfère dire "limpidité"), qui pour lui était en définitive celle de l'Évangile. Et c'est précisément cette façon d'exercer le leadership en termes de service désintéressé qui a été pour moi un grand témoignage chrétien, un exemple vivant de ce "mais chez vous il n'en est pas ainsi" que Jésus enseigne aux disciples à propos du pouvoir évangélique, par opposition au pouvoir dominateur des "chefs des nations", ainsi que, il vaut la peine de le rappeler aujourd'hui, une condition préalable indispensable pour surmonter la crise de la politique.

Bonjour Vittorio ! Faire ta connaissance a été une bénédiction. Merci pour tout !


Mauro Castagnaro - Italia)

Notes :

Source : https://www.we-are-church.org/123/index.php/aboutus/tributes/vittorio-bellavite




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