Rencontré au CIL : Patrick Balemba B.
Patrick Balemba Batumike
Publié dans CEM n°143 (6/2024)
De Bukavu à Bruxelles : un engagement continu pour la justice et la paix
Né dans la vibrante ville de Bukavu, au cœur des Grands Lacs en Afrique centrale, mon enfance fut marquée par une paix trompeuse, dans cette région qui semble enchantée. Alors élève au collège Alfajiri, je me suis joint à la chorale des Pueri Cantores de Bukavu et ai participé à un congrès à Kabgayi, au Rwanda en 1989. À cette époque, la région semblait paisible, sans présages des conflits à venir.
La rupture survint avec les sessions de la Conférence Nationale Souveraine, prélude à d’immenses bouleversements. Bukavu, bastion de l’action sociale, devint un refuge pour des millions de Rwandais et Rwandaises fuyant les conflits. L’appel à l’aide "mfungulira" y résonna fréquemment, bientôt submergé par de nouvelles vagues de violence, transformant les réfugiés d’hier en persécutés d’aujourd’hui. Les seuls réfugiés que l’on aurait vus à l’époque étaient des Nigérians et des Nigérianes en partance pour l’Afrique du Sud ainsi que des Éthiopiens et des Ethiopiennes lors des troubles et famines. Ces événements m’ont profondément marqué, notamment le départ précipité des amis rwandais de mon père qui s’étaient installés depuis des lustres en RD Congo, remplacés par d’autres de ses amis venant directement du Rwanda dans un tourbillon de méfiance et de peur.
Mon engagement pour la justice et la paix s’est cristallisé lors de ma rencontre avec la communauté de Sant’Egidio durant mes études de droit à l’Université Catholique de Bukavu. J’ai appris à voir au-delà de mes besoins personnels, découvrant que « personne n’est trop pauvre pour ne pas aider quelqu’un·e d’autre ». Cette philosophie, avec de nombreuses jeunes personnes du Kivu dont Floribert Bwana-Cuyi, a transformé nos vies, nous éveillant à une vocation où nous ne vivons plus pour nous-mêmes, mais pour donner aux autres.
Après mon Master en droit, j’ai travaillé avec le consul de France à Bukavu, acquérant une expérience professionnelle précieuse avant de rejoindre le Barreau du Sud Kivu. Chaque action, chaque cause que je défendais, ajoutait une pierre à l’édifice de mon engagement pour un monde meilleur.
Mon parcours m’a ensuite mené en Belgique, où je continue d’œuvrer pour la paix et la justice au sein de l’organisation Justice et Paix. Dans ce nouveau cadre, je m’efforce de toucher une audience plus large, de sensibiliser et d’influencer positivement non seulement la jeunesse active et disponible de la région des Grands Lacs, mais aussi le monde entier. Je suis confronté à un système global où, trop souvent, les décideurs privilégient l’usage des armes à la diplomatie, la guerre à la paix.
Face aux défis mondiaux tels que les injustices climatiques, les inégalités sociales, et l'exploitation éhontée des ressources naturelles, je lutte pour demeurer un défenseur acharné des valeurs de justice et de solidarité. Je rappelle constamment que chaque vie est précieusement sacrée et que la dignité humaine doit être au cœur de toutes nos actions.
Dans un monde en quête de sens et de direction, ma voix s’élève pour appeler à un retour aux valeurs fondamentales de respect, d'amour et de coexistence pacifique. Ce témoignage est mon engagement personnel et continu pour éveiller les consciences et inciter à un choix plus sage : celui de la paix. Bien que moins coûteuse, celle-ci est infiniment plus précieuse que le lourd tribut de la guerre. Ce chemin, de Bukavu à Bruxelles, est pavé de petites et grandes actions, toutes animées par le désir de construire un monde où la justice et la paix règnent en maîtres.
À la Commission Justice et Paix, je nourris mon travail quotidien de ces expériences. En planifiant des campagnes, en menant des ateliers, en organisant des conférences, je tisse des liens entre des individus et des communautés de divers horizons, unissant nos forces dans un effort commun pour la construction d'une paix durable. Ma mission est de transformer chaque opportunité en un acte de médiation et de réconciliation, promouvant une compréhension mutuelle et respectueuse parmi les peuples.
Je continue avec les amis et amies que j’ai trouvés en Belgique à partager les repas chauds aux sans-abris au centre-ville de Bruxelles et cela me montre combien le monde est si petit, que dans la maison commune, « il y a toujours plus de joie à donner qu’à recevoir ! »
Chaque jour, je suis guidé par un principe fondamental : la justice véritable commence par la reconnaissance et le respect de chaque individu, indépendamment de son origine, de sa religion, ou de son statut social. En Belgique et au-delà, je m'efforce d'incarner ces valeurs, inspirant par mon exemple celles et ceux qui aspirent à un monde plus juste et paisible. Ce voyage, de Bukavu à Bruxelles, n'est pas seulement le mien. C'est un parcours que nous partageons tous et toutes chaque pas vers la justice et la paix étant un pas vers un avenir où nous, en tant que communauté mondiale, valorisons chaque vie et œuvrons ensemble pour le bien commun.
Patrick Balemba Batumike (Justice et Paix)