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Des croyants repensent leur foi

de Serge Couderc et Georges Heichelbech, éditeurs


Cet article n'a pas été publié dans une de nos revues


Voici un livre « tonifiant » qui donne à penser, penser sa foi. Les différents intervenants posent les questions qui les habitent. Ils se situent du côté des questions et non du côté des réponses car "le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance mais les certitudes"[1].

Les certitudes religieuses risquent de faire sombrer dans le fondamentalisme. "Quand on est pétri de certitudes, on a du mal à se laisser questionner par l’autre"[2].

Les intervenantes et intervenants qui repensent leur foi se posent et posent des questions qui invitent à sortir des sentiers battus et théologiquement labellisés pour vivre une aventure profondément humaine, tant il est vrai que la vérité n’est pas à défendre mais à chercher sans cesse !

L’aventure ici relatée est le fruit d’une longue coopération vécue dans le cadre des réseaux du Parvis[3]. Entre février 2022 et septembre 2023, des personnes ont échangé leurs questions à propos de différents sujets qui émergeaient de leur parcours : Qu'est-ce qui pour moi n'est plus croyable aujourd'hui dans les discours et les pratiques de l'Église catholique ? Quel est le message central de Jésus et en quoi est-il libérateur ? De quel Dieu suis-je croyant ou croyante ? Comment je me situe par rapport au péché, au mal, au salut ? Qu'est-ce que pour moi la "Bonne Nouvelle" ? Qu'est-ce que prier aujourd'hui ? Quel est cet amour évangélique qui nous est proposé et comment est-ce que je le vis concrètement. Toutes ces personnes vivent une quête de sens et de cohérence dans leur vécu, n’hésitant pas à botter en touche les définitions "liturgiques" d’un Dieu tout-puissant et bienveillant qui convient parfaitement à la pécheresse et au pécheur, les maintenant ainsi dans un véritable analphabétisme religieux[4].

Ces différentes recherches nous ouvrent à une véritable spiritualité, dans la mesure où celle-ci se comprend comme la possibilité d’une porte ouverte vers un ailleurs. Il s’agit de témoignages par lesquels chacune et chacun parle en son nom, en "je", en disant son cheminement, chamboulé par les questions qui s’entrechoquent à l’occasion d’événements et de rencontres.

Il s’avère donc difficile, voire impossible, de couler les cheminements dans un moule unique sans risquer de trahir la pensée de certaines et certains. Ces lignes sont plutôt de l’ordre du zakouski qui veut mettre en appétit… de lecture.

Des feuilles de route ont été proposées aux participants et ont été rapportées en six chapitres qui reprennent l’ensemble de la démarche.

Première étape : Qu’est-ce qui, concrètement, ne colle plus pour moi ? Pourquoi cela n’est-il plus crédible ?

Deuxième étape : Quel est le message central de Jésus ? Et vous, que dites-vous que je suis ?

Troisième étape : De quel Dieu suis-je croyant ? Mes représentations de Dieu ont-elles évolué ? Quelle est la place de Jésus dans ces représentations ? Qu’est-ce que prier pour moi aujourd’hui ?

Quatrième étape : En quoi Jésus est-il libérateur ? Comment je me situe par rapport au péché, au mal et au salut ?

Cinquième étape : Qu’est-ce que la « Bonne Nouvelle » au plan personnel, social et collectif ? Comment dire aujourd’hui son actualité ?

Sixième étape : Toute personne a une valeur et est aimée. Que signifie cet amour évangélique qui nous est proposé ? Ai-je besoin d’une vie communautaire pour le vivre ?

Quelques exemples devraient vous inciter à reprendre ces feuilles de route pour entrer dans la trame de cette aventure, chacune et chacun selon sa sensibilité et son propre vécu.

Nicole parle des croyances issues du paganisme, ayant fait de Jésus et Marie des êtres suprahumains par leur conception, leur montée au ciel et autres procédés magiques. Elle dit ne pas comprendre que des gens normaux puissent encore croire à de telles fables. Elle s’insurge aussi contre l’idée d’un Dieu qui serait le gérant de nos vies, nous récompensant par des moments heureux ou nous accablant de douleurs, selon son bon vouloir. Elle dit ne pas croire en un Dieu unique qui nous connaîtrait individuellement, et qui déciderait de notre destin. Au nom de son aspiration à la justice et à la bonté, elle rejette l’idée d’un Dieu tout-puissant.

Annie se demande comment on peut encore dire que Jésus est monté au ciel et est assis à la droite du Père alors que l’homme a marché sur la lune et que l’évolution des sciences est bien plus parlante. Et, dit-elle, peut-on encore prendre au sérieux un Dieu tout-puissant, qui laisse les gens mourir à nos frontières dans des conditions extrêmes. Et pourtant, poursuit-elle, chaque dimanche, il est cité comme cela dans le credo qu’on répète machinalement.

Serge ne se reconnait plus dans ce monde d’ici et ce monde d’en haut, dans cette imagerie d’un "Dieu" tout-puissant qui règne sur le monde[5], dans cette vision culpabilisante de l’humain qui ne cesse de redire que l’homme est un pécheur, un pécheur-sauvé.

Jacques se demande pourquoi il croit encore en Dieu, car, dit-il, nous ne sommes ni plus humains ni moins humains du fait que nous croyons ou pas en Dieu. Il commence par dire le Dieu auquel il ne croit pas : le Dieu consolateur des misères de l’homme ou paratonnerre protecteur en échange du culte qu’on lui rend. Mais, dit-il, j’ai progressé en humanité au long des années. Il est séduit par la proposition de Marcel Légaut qui parle d’une inspiration intérieure et qui y voit la trace d’une action qui n’est pas de lui mais qui ne pourrait être menée sans lui. Il en conclut que cette action qui opère en soi peut s’appeler action de Dieu sans nullement se donner de Dieu – et même en s’y refusant – une représentation bien définie comme celles dont par le passé les hommes ont usé si spontanément et si puérilement[6].

Xavier, à son tour, refuse l’idée d’un Dieu qui vivrait dans une éternité, dans un monde à part, d’un Dieu qui serait le Dieu de certains hommes comme s’il appartenait à une religion privilégiée, d’un Dieu tout-puissant, car sa toute-puissance forcerait notre liberté.

Serge s’interroge sur le salut en se demandant de quoi nous avons besoin d’être sauvés ? Mais cette question ouvre à un vrai questionnement sur notre réalité : je ne sais pas ce qu’il y a après la vie sur terre, cela ne me préoccupe guère. Je ne crois pas que le salut viendra après une vie bien remplie. Le salut, il est dans l’aujourd’hui de nos vies, dans les fraternités que nous tissons, dans notre manière de vivre avec nous-mêmes et avec les autres.

Jean-Marie et Michel se disent passionnés par la profondeur d’humanité qui était celle de Jésus de Nazareth… C’est là, dans l’amour vécu dans la simplicité, que l’Amour, source de tout, se perçoit.

Serge dit qu’il a besoin de "prier" pour construire sa vie. C’est un besoin de recentrement, d’unification, d’appropriation de son existence, de connexion à « ce » qui l’inspire au plus profond de lui en éprouvant sa foi et sa fidélité.

Pour Pierre, la "Bonne Nouvelle" est un renversement des valeurs. Le désir de pouvoir, la richesse, le confort matériel, les plaisirs de tous ordres, tout cela fait place à un idéal de solidarité avec les plus faibles et à un amour non posses-sif. Le Christ ne nous demande pas de devenir des anges, mais de faire tout notre possible, en fonction de notre situation et de nos forces pour tendre à cet idéal.

Pour Alain, le rapport de Dieu et de Jésus (Évangile de Jean) nous entraîne dans ce même flux d’amour. Le Jésus de Jean est toujours dans la fraternité avec ses disciples, il les entraîne dans sa propre filialité qu’il a découverte et expérimentée.

Georges a transmis une vidéo de rencontre avec Jacques Gaillot, organisée par l’ACAT, et Jacques dit ceci : La dignité ne se prend pas, elle nous appartient […] Je suis quelqu’un. […] Nous ne pouvons jamais désespérer de quelqu’un. Rien n’est jamais fini. La vie est plus forte.

*

Comment conclure ? Peut-être en laissant la parole à José Arregi qui signe la postface du livre : Toutes les croyances sont provisoires, comme tout ce que nous savons du monde et des mots qui le disent. Nous continuons à ouvrir les yeux pour regarder et à chercher des mots pour dire le réel profond qui nous fait être, dont le silence nous illumine, dont l’absence nous convoque.

Tout ceci pourrait nous rappeler que Dieu n’a pas besoin que l’on croie en lui. Ainsi s’exprimait Jean-Pierre Hommé[7] dans un hommage rendu à Jacques Vallery.

Un autre théologien disait à cette même occasion : Jésus a ouvert une brèche incroyable en menant une vie qui n’a été que choix pour l’humain. Et il ajoutait que Jésus disait s’accrocher, s’ouvrir à une relation. Ma foi consiste à m’accrocher à ce Jésus parce que son avidité d’humanité vient ébranler le doute qui me traverse.


Notes :

[1] Rachid Benzine, dans Francis Van de Woestyne, États d’âme. Grands entretiens, tome 1, Éd. Les Impressions Nouvelles, 2022.

[2] Ibidem.

[3] Les réseaux du Parvis comptent 35 groupes chrétiens. Voir www.reseaux-parvis.fr/

[4] Expression utilisée par Mario Gresch au temps du Coronavirus.

[5] Marcel Légaut parlait du père Cromagon.

[6] Marcel Légaut, Devenir soi et rechercher le sens de sa propre vie, Aubier, 1980.

[7] Jean-Pierre Hommé, in Bulletin PAVÉS, décembre 2007 et

https://paves-reseau.be/revue.php?id=505 




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